L'Association psychiatrique américaine (APA) a annoncé que la 5e édition de son Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and statistical manual of mental disorders, ou DSM) était repoussée à mai 2013, alors qu'elle était attendue en 2012. L'APA insiste sur sa volonté de produire le meilleur ouvrage possible, et d'assurer sa coordination avec la Classification internationale des maladies, proposée par l'OMS, et dont la 11e édition est prévue pour 2014. Pour l'heure, les modifications envisagées par rapport au DSM-IV seront publiées sur Internet et ouvertes aux commentaires pendant deux mois.
Rappelons que le DSM constitue la classification psychiatrique la plus employée au monde. Pour ses partisans, il s'agit d'un outil imparfait mais commode, offrant une grille de lecture cohérente. Pour ses détracteurs, nombreux depuis que sa 3e édition, en 1980, a escamoté toute référence aux modèles psychopathologiques hérités de la psychanalyse, il s'agit d'un outil normatif médicalisant des troubles bénins à outrance, pour assurer le succès de l'industrie pharmaceutique, en connivence avec les compagnies d'assurance. Récemment Robert Spitzer et Frances Allen, deux psychiatres ayant participé aux DSM III et IV, ont justement accusé leurs successeurs de vouloir élargir certains critères diagnostiques pour préparer le terrain à des dizaines de millions de malades qui s'ignorent encore, et qui seront dirigés vers une prise en charge médicamenteuse. Tout cela, dénoncent R. Spitzer et Frances Allen, sur fond d'accords de confidentialité opacifiant les débats scientifiques. L'APA a répliqué en laissant entendre que ses deux adversaires tournaient leur veste de peur de perdre leurs droits d'auteur, qui s'interrompraient avec le DSM-V... La Bible de la psychiatrie a-t-elle fait son temps, comme l'a titré un éditorial offensif du magazine New Scientist, qui parle d'une « guerre civile psychiatrique » ? Ce serait oublier que l'APA a toujours accouché de ses DSM dans la douleur.