Harpagon ou Casanova ? Quand l'argent passe sur le divan...

Patrick Avrane, Petite psychanalyse de l’argent, Puf, 2015, 244 pages, 17 euros.

C’est après avoir retracé l’histoire de la monnaie et la confiance que son échange implique, que le psychanalyste Patrick Avrane fait un petit état des lieux des comportements que nous sommes susceptibles d’adopter avec l’argent. Parce que « même lorsqu’il est au cœur du marché, quand il vend, achète, thésaurise ou gaspille, l’homme n’est ni indépendant, ni rationnel ». Une conception de l’homme qui s’éloigne de ce que les économistes néo-classiques appelaient « l’homo œconomicus », raisonnable, rationnel et maître de ses désirs. De l’avare au fortuné, en passant par le flambeur, le prodigue et l’envieux, Patrick Avrane dresse dans cet ouvrage des portraits-types de rapport à l’argent, pas forcément immuables, en s’inspirant de cas d’analysants et de personnages de fiction.

Tout d’abord l’avare, cet Harpagon qui idéalise son argent et le « désire de façon excessive ». C’est aussi à lui qu’il donne, d’abord, sa confiance. Tous les Harpagons en sont persuadés : l’argent conduit seul le monde. « Pour eux les relations entre les hommes ne reposent que sur les échanges financiers, leur désir n’est que l’augmentation de leur richesse, la confiance se signe en bas d’un contrat de prêt, l’amour est un compte bancaire en commun. » Quant au flambeur, image illustrée par Casanova qui dépensait toutes les colossales fortunes gagnées aux jeux, il « aime la dépense mais redoute le labeur ». Non pas pour les fatigues causées, précise le psychanalyste, mais parce que « le travail donne de la valeur à l’argent ». Problème : « la dépense heureuse ne doit pas se souvenir du prix de l’argent ». Et en bon psychanalyste qu’il est, Patrick Avrane évoque une fixation au stade oral : « L’argent flambé, c’est celui du fantasme, celui qui laisse entendre que la satisfaction est possible, qui répond à l’avidité de la libido enfantine. Avec lui, le sujet rêve d’être rassasié, jamais déçu. » Mais « la pleine satisfaction orale n’a jamais existé. La déception est présente dès l’origine. » En fait, dans ce moment où il dépense glorieusement cet argent qu’il n’a généralement pas gagné mais reçu (héritage, jeux…), le flambeur entretient la déception.