Vous avez intégré le comité d'éthique d'une chaîne de télévision pour enfants. En quoi consiste ce travail ?
On m'a en effet sollicité pour participer au comité d'éthique de TiJi, la seule chaîne française pour les enfants de 4 à 7 ans. Cette instance, imposée par le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), siège tous les trois mois. Elle réunit des spécialistes bénévoles de divers horizons : pédiatres, pédopsychiatres, psychologues, mères de famille, membres du CSA ou d'associations pour enfants... On nous demande de visionner tout ce qui passe sur la chaîne. Nous vérifions la qualité et la francisation des programmes, ainsi que le temps alloué à la publicité, et nous adressons un compte rendu au CSA. Nos débats sont parfois vifs, à l'opposé d'un consensus mou « avec beaucoup de sucre dans le café ». Il faut l'accord de la majorité d'entre nous, avant qu'un contenu puisse passer à l'antenne. Citons un exemple concret de notre action : la chaîne diffusait quelques programmes tardifs, après 20 h 30, ce qui pouvait inciter certains parents à penser que si cette chaîne, pour enfants, diffusait à cette heure avancée, c'est qu'on pouvait laisser les enfants tard devant la télévision. J'ai demandé un bandeau informatif pour indiquer que ces programmes tardifs étaient destinés à des expatriés ou des francophones vivant à l'étranger. La chaîne a fait beaucoup mieux, avec une séquence d'animation. Nous avons même demandé que le programme cesse d'être diffusé pour ne redémarrer que vers 23 h 30 ou minuit, lorsqu'on est sûr que les enfants français sont couchés. Nous veillons aussi à ce que des programmes éducatifs sensibilisent progressivement les enfants à l'écologie, au temps qu'il fait (la météo), ou à des fêtes traditionnelles. J'ai beaucoup insisté pour qu'on ne mentionne pas Halloween. Je ne vois pas pourquoi relayer un phénomène soit-disant ludique mais en réalité, à mon sens, commercial. Nous voulons également des écrans publicitaires très courts. La chaîne doit donc trouver d'autres sponsors que la publicité. Et cette dernière ne doit pas être tournée, par exemple, vers l'alimentation, mais plutôt vers des produits assez fins et intelligents, comme des jeux éducatifs.
Dans quelle mesure les réactions des enfants sont-elles prises en compte par le comité d'éthique ?
Il existe une intense interactivité entre la chaîne et les enfants (grâce à leurs parents, toujours) par le biais d’échanges téléphoniques, voie postale, mails, mais aussi par des questions et suggestions émises sur le site internet de TiJi. Tout ce « matériau » permet à la chaîne d’évaluer justement ce que les enfants apprécient comme programmes, ce qu’ils désertent, s’ils adhèrent à telle ou telle participation de jeux, sondages, animations, réponses-concours, etc. Tous ces réactions sont attendues, évaluées, étudiées et résumées avant de nous être rapportées. Et, lors des comités d’éthique, nous voyons les réponses brutes : dessins d’enfants, poèmes, questions, propositions et suggestions diverses nous passent entre les mains, en toute simplicité (c'est-à-dire avec les imperfections, fautes d’orthographe, collages ou dessins bons ou mauvais, enregistrements de chansons plus ou moins réussies, séquences vidéos amateurs moyennes ou excellentes, etc.). Cette authenticité de réponses nous fait sentir de plus près, le public, jeune et moins jeune et nous incite à être présents, actifs et toujours vigilants. Par exemple, les Télétubbies nous paraissaient, à nous adultes, gentillets, pour ne pas dire autre chose. Mais quand on les décortique, c'est magnifique et les enfants adorent ; ils se reconnaissent dans ces petits gestes un peu patauds, ces hésitations, ces onomatopées. On était partis pour dire non à ce programme, mais après discussion nous avons donné notre accord. Voilà comment un comité d'éthique peut changer ses idées préconçues suite à une réflexion...