Harry Potter contre l'enfant roi

Pinocchio, Peter Pan…, la conception de l’enfance incarnée par les héros de la littérature de jeunesse témoigne souvent de l’esprit du temps. C’est peut-être par sa rupture avec l’ère de l’enfant roi que l’on peut expliquer le succès de la saga Harry Potter.

Qu’est-ce qui fait que tant d’enfants et d’adultes se sont enthousiasmés pour la saga Harry Potter ? Son univers magique plein de surprenantes inventions ? La qualité de son intrigue quasi policière ? Sa description transposée mais réaliste de la vie scolaire ? Autre chose encore ?

La littérature de jeunesse a toujours promu à son insu un modèle d’enfant, révélateur des valeurs d’une société et de sa conception, non seulement de l’enfance, mais aussi de l’âge adulte. Dans la seconde moitié du 19e siècle, l’Occident place tous ses espoirs dans l’éducation ; si l’enfant bénéficie alors d’une attention nouvelle, c’est que l’on respecte en lui un germe de bon chrétien, bon citoyen ou bon père de famille qu’il s’agit de développer par des soins adéquats. C’est dans cet état d’esprit que l’adulte éducateur s’adresse à l’enfant et, par le vecteur d’une œuvre de fiction, lui dit quel adulte il devra devenir. Ainsi, dans le Pinocchio de Carlo Collodi (1883), le monde est dur à celui qui n’est pas éduqué, pauvre pantin de bois manipulé par ses pulsions et donc toujours manipulable par les plus malins que lui. Jusqu’à ce que le héros assagi se réveille de chair et d’os et renie l’enfant qu’il a été : « Ah, que j’étais ridicule lorsque j’étais pantin ! » Se donne à lire ici la mission civilisatrice que s’assigne la société moderne : prendre des sauvageons et les contraindre à devenir des hommes éclairés.

L’enfant qui ne voulait pas grandir