Haut potentiel et dys : l'enfant doublement exceptionnel

Les enfants qui manifestent des troubles de l’apprentissage alors qu’ils ont un QI au-dessus de la moyenne sont un sujet d’étonnement et provoquent des débats passionnés. Haut potentiel, ou handicap ? Réalité ou supercherie ?

Au sein de la vaste problématique du haut potentiel intellectuel, s’intéresser aux enfants et adolescents qui sont en difficulté scolaire peut paraître paradoxal. Ce qui vient à l’esprit, dès lors, est plutôt d’imaginer que cette difficulté résulte d’un décalage entre le profil intellectuel de l’écolier ou du collégien et le contenu ou la forme de l’enseignement qui lui est donné. Certains se sont même récemment élevés contre une prétendue utilisation à des fins personnelles de ce concept, par certains thérapeutes peu scrupuleux qui y verraient une manne construite de toutes pièces aux dépens de la crédulité des enfants et de leurs familles, percevant dans le haut potentiel de leur enfant une explication plus valorisante de leur éventuel mal-être. Il est moins aisé (et moins fréquent) de concevoir que ces enfants puissent présenter en fait la double caractéristique (d’où leur dénomination en anglais de twice exceptionals) d’avoir à la fois des compétences supérieures dans un domaine et inférieures à la norme dans un autre. Il semble pourtant que cette double occurrence soit de plus en plus souvent rencontrée parmi les élèves référés à nos services pour difficulté d’apprentissage, au point de pouvoir être reconnue comme une typologie particulière et permettre même d’évoquer un mécanisme neurologique particulier à son origine.

Quelques considérations préalables sur le QI 

Rappelons tout d’abord que le calcul du quotient intellectuel se fait par l’addition des scores obtenus par la personne testée sur plusieurs épreuves différentes, ou subtests, choisis pour explorer des secteurs distincts de ce qu’il est coutumier d’appeler l’intelligence : l’intelligence verbale, basée sur l’accès au sens des mots et la capacité à établir des liens entre eux ;  les tests d’intelligence non verbale, mesurant la capacité à manipuler et à faire des associations logiques entre des figures sans signification ; auxquels se rajoutent des tests mesurant ce qu’il est coutumier d’appeler les fonctions transversales, la mémoire de travail, l’attention, la vitesse de traitement.

Une première approche de l’intelligence consiste à faire la moyenne de tous ces subtests pour obtenir un score global d’intelligence dit « QI total ». Le quotient intellectuel ainsi mesuré, chacun le sait, se distribue dans la population selon une courbe caractéristique, dite de Gauss (ou loi normale), présentant une « bosse » autour de la moyenne de 100, et deux pentes descendantes, de part et d’autre, formant dans l’ensemble un U inversé. C’est-à-dire que la grande majorité des individus se situent au centre de la courbe, entre 85 et 115 de QI, alors que les deux extrémités, au-delà de 130 (dits « haut-potentiel ») et en deçà de 70 (dits déficients intellectuels) ne représentent que 3% au plus de la population générale.

Qu’est-ce qu’un QI hétérogène ?

Au-delà de ce chiffre global, les scores à ces différents subtests peuvent être sensiblement homogènes, ou non : dans ce cas, on parlera de profil hétérogène. Les psychologues ont coutume de souligner que l’hétérogénéité est la règle plutôt que l’exception, et que son mécanisme est complexe, impliquant divers facteurs, y compris culturels et psychologiques, voire des facteurs liés aux imperfections des tests eux-mêmes. En fait, le manuel de passation de l’outil le plus fréquemment utilisé, l’échelle de Wechsler, montre qu’en moyenne l’écart entre les deux indices les plus représentatifs de l’intelligence, l’indice verbal et l’indice visuo-perceptif, est relativement stable, à la fois entre des individus d’âge différent, et selon le niveau d’intelligence globale.