Homoparentalité : où en sont les recherches ? Entretien avec Jérôme Courduriès

L’accès à la parentalité reste difficile pour les couples homosexuels, les droits du parent non biologique ne sont pas toujours pris en compte, les milieux modestes sont souvent plus hostiles… Tous les obstacles ne sont pas aplanis !


> Jérôme Courduriès

Anthropologue, maître de conférences à l’université Toulouse 2, il a notamment publié Être en couple (gay). Conjugalité et homosexualité masculine en France (Presses universitaires de Lyon, 2011) et Homosexualité et parenté (avec Agnès Fine, Armand Colin, 2014). A paraître : Homoparentalités. La famille en questions (avec Flávio Tarnovski, Éditions François Bourin, 2020).


D’après une enquête que vous avez co-réalisée 1, on observe un accès plus difficile à la parentalité pour les couples d’hommes par rapport aux couples de femmes. Pourquoi, selon vous ?

Je tiens tout d’abord à préciser qu’il s’agit d’une enquête basée sur le volontariat, car la loi en France interdit de réaliser des statistiques sur des critères liés à l’orientation sexuelle. On ne peut donc parler d’un échantillon représentatif. Cette recherche permet toutefois d’esquisser quelques hypothèses. Premièrement, l’accès à la parentalité semble plus simple pour les femmes, du fait d’un recours possible à des donneurs connus, par exemple des amis gays ou hétéros, ou des personnes rencontrées au sein d’associations. Elles ont aussi la possibilité d’opter pour une insémination artificielle avec un donneur anonyme (IAD) à l’Etranger, par exemple en Belgique ou en Espagne. Cela implique un budget d’environ 5 000 à 10 000 euros. Mais pour les hommes, le procédé correspondant, la gestation par autrui (GPA), est beaucoup plus onéreux : il faut compter entre 70 000 et 120 000 euros, et un investissement en temps important. Et, au-delà de l’argument financier, l’image négative de la GPA induite par le débat public constitue aussi un frein pour les couples gays. Enfin, on observe toujours aujourd’hui une plus grande pression sociale exercée sur les femmes pour accéder à la maternité que pour les hommes pour ce qui est de la paternité. Cette pression peut venir des parents qui veulent avoir une descendance, d’amis qui interrogent, et plus globalement des préjugés qui font qu’on a du mal à imaginer une femme adulte sans désir d’enfant. Puis, pour les hommes gays, il persiste toujours dans l’imaginaire collectif une forme de soupçon liée à l’association honteuse entre homosexualité masculine et pédophilie.