Souvenez-vous : c’était en 2006 et Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, s’était permis de moquer l’inutilité, pour une guichetière, de lire La Princesse de Clèves (« Un sadique ou un imbécile, choisissez », persiflait-il, avait inscrit l’œuvre au programme du concours administratif ). Le tollé qui a suivi fut à la mesure du conflit récurrent opposant, au sein de l’école, les défenseurs des humanités classiques et ceux des savoirs « utiles et modernes », pour le dire vite. Loin d’être simple, cette rivalité dont l’épicentre est le collégien, comporte en France plusieurs fronts opposant tour à tour pédagogues et « républicains », littéraires et scientifiques, classicistes et modernistes, et même sociologues et philosophes.
Querelle des Anciens et des Modernes
Pour aller droit au but, voyons la question des langues anciennes, le latin et le grec, qui jusqu’en 1902, date de la création en France d’un baccalauréat dit « moderne », étaient la clé d’accès aux universités et la marque indispensable d’une culture supérieure. Au fil du 20e siècle, les études littéraires ont amorcé un lent déclin, jusqu’à voir leur enseignement menacé, tout en conservant un rôle contesté de discipline difficile, donc sélective. Que leur reprochait-on encore récemment ? D’une part, d’être inutiles professionnellement, et donc de représenter un luxe superflu coupé des réalités actuelles. D’autre part, de rester élitistes, c’est-à-dire, au sein des lettres, de ne s’adresser qu’à des jeunes culturellement favorisés, et donc de perpétuer les inégalités sociales existantes.