Hygiénisme et eugénisme au XXe siècle à travers la psychiatrie française

Anne-Laure Simmonot, Seli Arslan, 1999, 190 p., 138 F.

Cet ouvrage au titre ambitieux est essentiellement consacré à l'oeuvre du psychiatre Edouard Toulouse durant les années 1890 à 1930. Après avoir rappelé l'évolution théorique de la psychiatrie au xixe siècle, ainsi que son rôle dans l'hygiénisme - ce courant de la pensée médicale se préoccupant de soigner les problèmes sociaux -, l'auteur raconte d'abord comment E. Toulouse a importé d'Angleterre en France la conception d'un hôpital psychiatrique ouvert, soignant des individus sans pour autant les enfermer. Mais le revers de la médaille serait le durcissement de l'attitude envers les malades réputés incurables. Dans le contexte politique de l'entre-deux-guerres, marqué par l'obsession de la décadence et de la dégénérescence, on assistera à la montée de l'eugénisme et E. Toulouse soutiendra les mesures de stérilisation voire d'élimination des individus « dégénérés » et « inutiles » à la société. Le dernier chapitre vise à prévenir le lecteur contre les dangers d'un retour de l'eugénisme aujourd'hui, en rappelant l'état du débat dans les années 90.

Ce livre est donc bien informé sur le docteur Toulouse, mais sans plus. On aimerait en savoir davantage sur les autres psychiatres de l'époque, afin de juger de la représentativité de Toulouse qui apparaît ici comme le patron de toute la psychiatrie française. On reste aussi sur sa faim en ce qui concerne le sort des malades mentaux « incurables » durant les années de guerre et durant toute la période 1945-1990. On s'étonne enfin que l'auteur ne dise mot de la pratique de la lobotomie et des diverses autres formes de « neutralisation » chirurgicales ou chimiques qui ont été très longtemps pratiquées dans les hôpitaux psychiatriques et qui le sont peut-être encore.