Hypersexualisation : nos filles sont-elles en danger ?

En mars dernier, un rapport ministériel s’inquiétait des dérives d’une hypersexualisation des enfants, particulièrement des petites filles. S'agit-il réellement d'un phénomène récent ? Les enfants seraient-ils donc des êtres asexués ? Le point sur la controverse.

Elle pousse la porte de l'institut de beauté, pose son cartable, examine la centaine de vernis proposés, en choisit un rose mexicain, juche son 1 mètre 20 sur un tabouret et tend ses doigts minuscules à l'esthéticienne médusée en lançant d'une voix pointue : « Plutôt carrés, s'il vous plaît! ». Si nous n'oublierons pas de sitôt cette petite fille de 7 ou 8 ans, croisée il y a quelques mois dans un salon de manucure parisien, son cas serait loin d'être isolé. Strings et soutiens-gorge ampliformes pour fillettes, concours de mini-miss, cours de récréation où, dès le primaire, des photos de jeux sexuels entre petits camarades circuleraient grâce aux téléphones portables... Depuis quelque temps, l'opinion publique française s'inquiète de ce qu'il est désormais convenu d'appeler l'hypersexualisation des enfants, essentiellement des petites filles.

Le terme renvoie tout aussi bien à la représentation de l'enfant en adulte en miniature, mais aussi aux pratiques sexuelles des jeunes qui seraient de plus en plus précoces – le tout étant largement influencé, nous dit-on, par les marques de vêtements et l'accès aux films pornographiques via Internet. En Norvège, le ministère de la Famille a fait retirer des magasins certains vêtements, dont les fameux soutiens-gorge ampliformes pour enfants. Au Québec, la diffusion de spots publicitaires ciblant les moins de 13 ans est interdite – aux États-Unis, elle est limitée.

En France, la parution dans le magazine Vogue de photos d’une enfant de 10 ans en mini-robe lamée et escarpins vertigineux sur un canapé léopard a remis de l'huile sur le feu en 2011. Le 5 mars dernier, la sénatrice UMP Chantal Jouanno rendait au ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale un rapport intitulé Contre l’hypersexualisation, un nouveau combat pour l’égalité. Elle y préconisait l'adoption d'une charte de l'enfant, l'interdiction de la promotion d'images sexualisées d'enfants et la suppression des concours de mini-miss.

À la recherche de la sexualité infantile

Mais, parler d'hypersexualisation des petites filles revient-il à dire que les enfants n'ont pas de sexualité ? Jusqu'au XVIIIe siècle, l'enfant est essentiellement présent, dans les représentations collectives, sous les traits d'un adulte en miniature. Il faut attendre L'Émile de Rousseau pour que l'enfance soit définie comme une période de la vie qui ne consiste pas seulement en l'apprentissage de la vie adulte.