Impôt sur la fortune, quelles alternatives ?

Les inégalités d’héritage ont fortement progressé ces dernières années. Taxer les successions, plutôt que le patrimoine, permettrait de mieux partager les richesses et de redonner de la valeur au principe de méritocratie.

Pour partager plus équitablement les richesses, certains défendent l’idée d’une taxation des patrimoines les plus élevés via l’impôt sur la fortune (ISF). Cette position omet une réalité essentielle : plus que les revenus accumulés au cours de sa vie, c’est l’héritage qui crée dorénavant le plus d’inégalités.

Aujourd’hui, l’héritage est la principale composante du patrimoine privé des Français. On peut décomposer le patrimoine en une partie accumulée (grâce à l’épargne) et une partie héritée (composée des héritages et donations passées). Dans les années 1970, l’accumulation représentait les deux tiers du patrimoine contre un tiers pour l’héritage. Aujourd’hui, c’est exactement l’inverse.

Ce retour de l’héritage, à des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis le début du 20e siècle, est loin de profiter à tous puisque 10 % des français concentrent 50 % des successions quand, à l’autre bout du spectre, la moitié des Français n’héritent de rien. De façon générale, alors que les inégalités de revenus sont stables en France, de nombreux travaux mettent en évidence un recul marqué du rôle du mérite dans la formation des inégalités.

Paradoxalement, ce retour de l’héritage va de pair avec une tendance à la disparition de l’impôt successoral dans de nombreux pays. Si la France semble échapper à ce phénomène, les apparences sont pourtant trompeuses. L’impôt successoral, qui représente environ 1 % des recettes fiscales, est en réalité dual puisque la moitié de ses recettes provient des personnes décédant sans enfant qui ne constituent pourtant que 10 % des successions. À l’inverse, seules 15 % des transmissions entre parents et enfants sont imposées. Si l’exonération des petites successions peut se justifier, il faut noter que ce sont surtout les successions les plus importantes qui ont le plus gagné au cours des quinze dernières années. Une fois l’ensemble des exonérations prises en compte, le taux d’imposition des successions de plus de 5 millions d’euros diminue de près de 6 points de pourcentage et se situe entre 20 et 25 % 1. Plus problématique, à partir d’un certain seuil, les successions se retrouvent moins imposées que des salaires de valeur équivalente. De l’aveu même du président Macron, la suppression de l’ISF aurait pu (ou dû) être compensée par une hausse de la fiscalité des successions car, selon lui, celle-ci taxe la rente (c’est-à-dire un revenu immérité) plutôt que le risque (qui peut être à la source de l’enrichissement pour un entrepreneur) 2. Pourtant, une réforme des droits de succession n’est pas à l’ordre du jour.