Iran : quel avenir pour la recherche française ?

L’universitaire française Clotilde Reiss est toujours retenue en Iran. Cette affaire semble clore un âge d’or des relations scientifiques entre les deux pays.

L’image, le 8 août 2009, fait le tour du monde : à Téhéran, une petite jeune fille occidentale, sous son voile, devant répondre de quelque complot imaginaire devant un tribunal au kitch théocratico-stalinien. A l’heure où nous écrivons cet article, l’étudiante Clotilde Reiss est encore encagée dans l’ambassade de France en Iran, et fait l’objet d’un bras de fer diplomatique. La France a découvert qu’elle était lectrice à l’université d’Ispahan, et que d’autres jeunes chercheurs n’hésitaient pas à franchir un étrange miroir, parler le persan, interroger la société postkhomeinyste, son cinéma et son théâtre d’ombres, sa théologie et le chiisme, son système urbain, son agriculture, sans oublier ses sous-sols regorgeant de trésors archéologiques. « J’ai été scandalisée lorsque les médias ont sous-entendu que des scientifiques comme Clotilde étaient finalement des naïfs et prenaient des risques inutiles à venir dans ce pays, observe cette doctorante, dont le directeur de thèse est le sociologue à l’EHESS, Farhad Khosrokhavar. Se pose-t-on la même question lorsqu’il s’agit de la Chine ? » Signe des temps, elle requiert l’anonymat pour pouvoir retourner à Téhéran très prochainement, ce dont elle ne doute pas. Ils sont ainsi une poignée de doctorants à piaffer sur le tarmac.

« Aujourd’hui une tension exceptionnelle s’est installée en Iran, bien plus qu’en 1979 », analyse le géographe Bernard Hourcade. Directeur de l’équipe de recherche « Monde Iranien » du CNRS, il se souvient de son séjour à Téhéran alors qu’éclate la révolution. « Chercheur sous le shah une semaine plus tôt, le nouveau ministre de Khomeiny nous encourageait à rester et bien au contraire à renforcer les liens franco-iraniens en matière scientifique. Ce fut une fenêtre exceptionnelle pour un chercheur en sciences humaines et sociales (SHS) qui pouvait ainsi assister à la modélisation d’un nouveau pays. »

• Farhad Khosrokhavar, Robert Laffont, 2009.• Stéphane Dudoignon, Cartouche, 2009.