Entretien avec Clotilde Champeyrache

« J’ai travaillé directement sur des cas d’infiltration mafieuse »

Clotilde Champeyrache est économiste mais elle s’est intéressée à la mafia à partir de son cursus en relations internationales. Son parcours l’a amené à travailler sur des cas concrets d’infiltration mafieuse à partir de documents judiciaires. Elle assume ce métissage académique et regrette que les économistes ne s’intéressent pas plus à un champs d’études qui demande pourtant leur expertise.

Q. : Clotilde Champeyrache, en tant qu’économiste spécialiste de l’Italie, comment avez-vous été amenée à traiter des activités mafieuses ?

L’Italie est une passion d’enfance. Je ne suis pas une économiste pure, j’ai suivi un cursus parallèle en relations internationales. Je me suis d’abord intéressée à l’Italie pour d’autres aspects que l’économie et la mafia. Cela fait une dizaine d’année que je travaille sur la mafia. Le point de départ a été l’ouvrage d’une historienne Marie-Anne Matard-Bonucci, Histoire de la mafia, qui comportait curieusement beaucoup d’éléments économiques. Il est en effet curieux que les économistes ne se soient pas intéressés, ou très peu, aux problèmes de mafia.

Q. : La mafia est un objet d’études particulier. Avez-vous du subir des pressions du secteur mafieux ? Avez-vous pris des précautions spécifiques ?

Non. La première précaution concernant le sujet se pose plus en termes scientifiques de délimitation du champs. Il faut veiller d’abord à bien définir cet objet qu’est la mafia. La deuxième spécificité concerne le respect des personnes et des noms cités : je privilégie les noms qui apparaissent dans des procès, là où il y a une certitude sur les faits. C’est ce qui sépare la recherche de l’investigation sur le terrain.

Q. : Vous avez structuré votre ouvrage de façon à opérer une démonstration à la fois complète et limpide. Vous réalisez un panorama complet de la question mafieuse et en même temps vous produisez du sens là où, par nature, il est difficile d’y voir clair.

Ce livre est en fait un très vieux projet. Je l’ai mûri pendant des années. Au départ, l’idée était de faire une somme des connaissances à avoir sur les mafias. Puis cela a évolué en un ouvrage plus court. Cela fait des années que je récolte des matériaux et pas seulement en économie parce que je ne suis pas seulement une économiste. D’autres aspects m’intéressent. Je voulais poser une fois pour toute la question : « Qu’est ce qu’une mafia ? » et pas donner ce nom à tout et n’importe quoi. Beaucoup d’ouvrages parlent de la mafia sans la définir au départ. L’ouvrage de Jean-François Gayraud, « Le monde des mafias » (voir article de GDSH2 – dossier criminalité internationale) donne une définition de la mafia assez proche de la mienne en plaquant en plus des éléments théoriques en géopolitique. D’autres ouvrages en revanche parlent de mafia pour désigner des éléments qui n’ont rien à voir avec une mafia. Par exemple l’ouvrage La mafia des cités. Dans les cités françaises, il n’y a pas de mafia et c’est tant mieux. Cela change la nature des politiques a mener contre ces formes de criminalité qui sont très différentes.