Je ne veux pas assister à mon accouchement !

Parce qu’elles n’ont pas désiré cet enfant ou qu’elles n’envisagent pas de le garder, l’annonce d’une grossesse plonge certaines femmes dans une grande détresse. Depuis 20 ans, le service parisien AGE Moise accueille les femmes enceintes en difficulté. Composée de trois psychologues antérieurement travailleurs sociaux, l’équipe de cette association est à leur écoute, pour  les accompagner jusqu’à l’accouchement, et parfois au-delà…

 

« Suite à un malaise je me suis rendue chez un médecin qui m’a dit que je serais enceinte. J’ai donc fait un test qui s’est avéré positif. En y repensant bien, je n’ai pas vraiment eu mes règles depuis le mois de septembre. Je serais donc enceinte de 7/8 mois. Je ne suis plus avec le père et d’une famille de confession musulmane je ne peux pas le dire. Je suppose qu’à ce stade il n’est plus possible d’avorter dans un pays d’Europe ? Ce qui est sûr c’est que je ne peux et ne veux absolument pas le garder,  j’ai 20 ans et je ne veux pas que ça se sache. J’ai été redirigé vers vous par le planning familial, j’espère que vous pourrez m’aider. Que puis-je faire ? Si vous pourriez m’indiquer quelques pistes… l’accouchement est-il obligatoire ? » (Message reçu sur la boite mail de l’AGE Moise.)

Dans leurs locaux du 15ème arrondissement de Paris, les psychologues de l’AGE Moise sont habituées à recevoir des femmes en état de choc. Quand elles passent la porte du service pour la première fois, certaines d’entre elles n’ont pas réalisé ce qui leur arrive. Elles sont adressées par un service social ou le planning familial, qui vient de leur apprendre qu’elles sont enceintes de plusieurs mois… « Ce qu’elles disent en arrivant se résume le plus souvent en trois mots : « Ce n’est pas possible ». L’une d’elle, enceinte de 8 mois, est arrivée ici en tapant du pied, se souvient Sylvie Lang-Lainé, psychologue clinicienne. Très agitée, elle clamait : « Je ne veux pas assister à mon accouchement ! » Ceci montre à quel point cette grossesse n’était pas intégrée par elle. » Si le déni de grossesse est une pathologie encore mal connue, y compris dans le monde médical, pour ces femmes à qui l’on révèle une grossesse déjà bien avancée, il y a urgence. « On sait qu’il faut qu’elles arrivent ici le plus rapidement possible, sinon ce qui vient d’émerger à la conscience est tellement insupportable qu’elles risquent de refermer cette petite brèche et de retourner dans la nature sans se faire suivre». Le message est bien passé au planning familial, qui appelle Moise dès qu’une femme ayant fait un déni de grossesse se présente. Au jour le jour, cela demande une grande disponibilité de la part des psychologues du service. « Ce matin une femme a téléphoné, elle avait notre numéro depuis 3 jours, on lui a donné rendez-vous dans l’heure. »