Quelles sont les particularités de la psychothérapie psychosomatique, et à qui s’adresse-t-elle ?
La médecine psychosomatique a été fondée par le Dr. Franz Alexander, un analysant de Sigmund Freud, vers la fin des années 1930 à chicago. Sa branche psychanalytique, quant à elle, a surtout été développée en France par le Dr. Pierre Marty, fondateur de l'IPSO (Institut de psychosomatique) et de l'Ecole de Paris, qu’il a créés et que j’ai présidés jusqu’à sa mort en 1993. J’ai ensuite poursuivi mes recherches et mes consultations en psychosomatique à la Pitié-Salpêtrière. La psychothérapie psychosomatique s’adresse à l’ensemble des patients somatiques qui souffrent de toutes sortes de pathologies (pour moi, il n'y a pas de "maladies psychosomatiques"). Dans un premier temps, lors de l'investigation du patient, il s’agit de faire un diagnostic de son fonctionnement psychique, et une évaluation de l'économie psychosomatique. Lorsque quelqu’un est atteint par une maladie, il se produit en effet une rupture dans la continuité de ce que j'appelle l’unité psychosomatique humaine, à savoir le processus de maturation organique et psychosexuel qui commence à la naissance des individus et se poursuit pendant les 20 premières années de vie. Ce processus d'intégration des fonctions organiques, neuronales et psychiques est à l'origine de la constitution de l'unité psychosomatique. Les troubles et maladies somatiques provoquent des atteintes profondes qui vont provoquer soit des régressions, soit la désorganisation progressive du fonctionnement psychosomatique, ce qui va perturber l'équilibre somatique et psychique des patients (par exemple, trouble du comportement alimentaire, régression au stade oral qui devient prédominant, et risque cardio-vasculaire). La dimension subjective du fonctionnement mental des patients est souvent ignorée du corps médical car les médecins, formés uniquement à partir des troubles du corps, ignorent tout de celle-ci. Mon travail consiste à intégrer cette dimension dans la compréhension des troubles du patient et à en faire part à mes collègues médecins.
André Green a publié il y a quelques années dans la un article où il se montrait très réticent vis-à-vis des neurosciences. Les deux champs sont encore éloignés l’un de l’autre, ce qui a d’ailleurs été révélé au dernier congrès de l'Association Internationale de Neuropsychanalyse qui a eu lieu à Paris, fin juin 2009, à la Pitié-Salpêtrière et à La Faculté de Médecine, où il n'y eut que deux communications sur trente présentées par des psychanalystes. Ces derniers, minoritaires dans ce congrès, ont donc eu du mal à faire entendre leur approche et à la faire accepter par les cognitivistes des neurosciences. La communication est plus facile entre neuropsychologues et cognitivistes, prédominants dans ces congrès.Je pense que les neurosciences n’apportent rien à la pratique du psychanalyste, mais plutôt à la pratique du psychosomaticien : nous avons besoin de ces connaissances pour établir des relations et des liens. Par exemple mes connaissances en neurosciences m’ont permis de reconstruire avec une patiente ses capacités à se souvenir : à son neuvième mois de thérapie, elle avait déjà récupéré énormément de fonctions mémorielles. En revanche, la psychanalyse est très utile comme modèle de fonctionnement mental. L’apport de Freud est fondamental, et devrait être pris en considération par les neuroscientifiques.