Jésus lave plus blanc

Bruno Ballardini, traduit de l’italien par Jean-Luc Defromont, Liana Levi, 2006, 202 p., 16 e.
« Ou comment l’Église a inventé le marketing. » Le sous-titre est explicite. Médiologue iconoclaste, Bruno Ballardini réserve ses imprécations à deux cibles : sa première victime est l’Eglise catholique, holding refourguant la foi partout sur la planète ; la seconde martyre est la jeune discipline du marketing, qui s’attribue la paternité de théories qu’elle n’aurait jamais réussi à mettre efficacement en œuvre, quand la firme du Vatican les exploiterait de main de maître depuis vingt siècles. Abstraction faite des simplifications outrancières qui donnent tout son sel au pamphlet, la démonstration est amusante. On rit beaucoup à voir saint Paul portraituré en « premier chef de produit de la multinationale », inventeur d’une « géniale stratégie de communication » basée sur la culpabilité : si vous ne voulez pas rester un has been – euh pardon, un pécheur voué aux enfers –, adhérez au mouvement ! Tout le jargon va y passer : le benchmarking ou comment se mesurer à ses concurrents sous couvert de dialogue œcuménique ; le contrôle qualité ou à quoi sert un concile ; la promotion ou pourquoi faire des jubilés, version cultuelle des « portes ouvertes » ; l’animation sur le lieu de vente ou du bon usage de la messe ; la fidélisation par les récits de miracles, jingles (alléluia, amen), slogans et produits dérivés (icônes et autres colifichets…). Ainsi de la charte graphique des églises (un point de vente se doit de revêtir un caractère somptuaire), du logo (la croix) et de l’interior design : « Les fidèles peuvent s’approcher d’un autel pour en évaluer l’offre et réagir par rapport à celle-ci. Vu que chaque autel peut être dédié à un saint différent ou à un aspect spécifique de la divinité, l’offre (et ses avantages) est différenciée, comme c’est actuellement le cas dans des supermarchés. » Quant à la reconnaissance de catégories particulières de clients (sur des bases sociales, ethniques, etc.), elle aurait été portée à son apogée par Jean-Paul II. , ce grand a en effet béatifié ou sanctifié plus que ses prédécesseurs des quatre derniers siècles.