Comment avez-vous été amenée à appliquer la grille de lecture psychanalytique aux mangas pour jeunes filles ?
C’est l’aboutissement d’un long parcours. Le Japon a fait partie de mon univers fantasmatique depuis l’enfance à travers des mots, des sonorités, puis la littérature et le cinéma. J’ai fini par y effectuer un séjour d’études : il devait officiellement durer un an et demi, mais j’y suis restée trois ans. J’ai constaté que la psychanalyse était présente au Japon, où les œuvres complètes de Freud avaient été traduites bien avant la France, mais que pour autant sa pratique restait très rare. A mon retour, j’ai vu que le Japon était désormais bien présent : pas seulement avec les restaurants japonais qui s’étaient multipliés, mais aussi avec les mangas, auxquels je ne m’étais pas intéressée précisément jusqu’alors. Particulièrement intéressée par la clinique de l’adolescence, je me suis donc penchée sur les mangas pour ce public. Dans les shôjo, mangas pour adolescentes, j’ai d’abord été déconcertée par ces personnages curieux, voire inquiétants qui ne ressemblaient à rien de précis, avec des traits indéterminés, ni japonais ni occidentaux, ni féminins ni masculins…