Jordan Peterson - Le patriarcat contre-attaque

Se posant en défenseur d’une masculinité en crise, le psychologue canadien Jordan Peterson a vu sa popularité exploser outre-Atlantique. Avec un discours combatif contre le « politiquement correct », il touche la corde sensible d’hommes jeunes, en quête de repères.

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La scène est insolite. Début mai, un public considérable, largement masculin, converge vers le Warner Theater, à Washington. Mais plutôt qu’un groupe de rock ou un humoriste – spectacles que ce genre de salle accueille d’habitude –, cette foule est venue boire les paroles d’un universitaire. Pendant plusieurs heures, un homme austère, la cinquantaine bien entamée, débite, avec une verve charismatique, sa vision du sens de la vie, tout en interpellant sans cesse ses ouailles : « Mais bon dieu, qui êtes-vous, vraiment ? »

Outre-Atlantique, l’orateur Jordan Peterson est le phénomène intellectuel du moment. Jusqu’il y a un ou deux ans, ce professeur de psychologie clinique à l’université de Toronto (Canada) jouissait d’une certaine estime, mais restait inconnu du grand public. En cette année 2018, il fait sensation : il est l’auteur d’un best-seller, ce qui lui permet de faire une « tournée » américaine au cours de laquelle il harangue des salles de concerts bondées. Surtout, il compte désormais plus d’un million d’abonnés sur sa chaîne YouTube, où ses vidéos connaissent un succès fou.

Le phénomène Peterson s’explique à la fois par une demande culturelle et un contexte politique. En premier lieu, Peterson se présente comme le prophète d’une masculinité en crise. Le sous-titre de son best-seller est : « Un antidote au chaos ». Le « chaos » en question est surtout celui de la vie d’hommes jeunes, célibataires, tourmentés par la solitude et les addictions, incapables de s’engager dans des relations sérieuses. La démarche de Peterson est celui d’un père sévère mais honnête, qui « parle vrai » à ces jeunes avides de conseils pratiques pour devenir des adultes responsables.