Vous écrivez : « Ce n’est pas par hasard que l’on vient travailler dans les banlieues ». Qu’est-ce qui vous y a amenée ?
J’habite en banlieue. Je suis d'origine québécoise et quand je suis arrivée en France, j'avais un enfant dans une crèche. J’ai alors découvert que des psychologues exerçaient pour la crèche où se trouvait mon enfant. J’ai alors envoyé un CV au service de PMI (Prévention maternelle et infantile), et j’ai été reçue. Ce qui était formidable à l’époque, c’est que lors du recrutement, une psychologue plus ancienne servait de marraine. J’ai découvert une population fragile, et j’ai pensé que la psychanalyse me servirait dans l’accueil de ces enfants.
Votre livre porte la mention "docu-fiction". Pourquoi avoir choisi de parler de votre pratique sous cette forme ?
Le terme « docu-fiction » n’est pas celui que j’avais employé au départ. Le mot que j’avais choisi était « conte », repris d'une citation du psychanalyste Claude Spielman : « La clinique, ça ne se raconte pas, ça se conte ». La fiction était la voix qui me permettait de naviguer le plus librement. Sur la quatrième de couverture, il est écrit : « tout est faux mais tout est vrai ». Les histoires sont composées à partir de plusieurs situations rencontrées. Je m’étais donné comme règle que l’entourage des personnes dont je parle ne puisse pas les reconnaître. J’étais très soucieuse de cela. En même temps, j’ai choisi des personnages représentatifs d’une réalité. Ce sont des types de personnalité. Par exemple, l'un d'eux s’appelle « le hérisson », et une collègue m’a dit qu’elle le connaissait aussi : elle voulait dire qu’elle a bel et bien rencontré des enfants comme ça. Mes personnages, j'en fais un peu des héros, ce que me permet la fiction à la différence d’un article scientifique. On m’a dit aussi : « Une psy de banlieue peut très bien travailler à Paris », et c’est vrai. Ce que j’ai voulu décrire c’est un style de travail qui est engagé, où le corps est très présent. J’avais envie de parler d’une pratique où l’on rencontre les gens, où on va au front. Ce qui rejoint la question du service public. Au départ j’étais assez surprise qu’on me demande si je voulais bien recevoir un enfant… Moi, je pensais que je n’étais pas là pour choisir mes patients.