L'affaire Glozel, une imposture archéologique

En 1924, Émile Fradin, paysan du Bourbonnais, découvre des tablettes gravées de signes inconnus. Et si l’écriture était née en Auvergne, bien plus tôt qu’en Mésopotamie ? Après un siècle de controverse, cette thèse s’effondre avec la publication d'un rapport scientifique.

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Lorsque Voltaire inventa la fable du frère jumeau de Louis XIV 1, il savait que cette trop belle histoire rencontrerait le succès. Les Français adorent les mystères : l’identité du Masque de fer, la survie de Jeanne d’Arc… Les historiens ont beau avoir tout résolu, une vérité demeure cachée, c’est évident : on ne nous dit rien ! L’archéologie a fait les frais de cette marotte : Alésia se trouve assurément en Bourgogne, mais des irréductibles continuent à entretenir le doute, en dépit de toutes les preuves scientifiques qui abondent 2. Et puis il y a Glozel.

2 500 pièces d’argile, de pierre et d’os

Si vous passez non loin de Vichy, par la départementale ou l’autoroute, vous avez peut-être remarqué des panneaux indicateurs sur lesquels figure une sorte de pierre ornée d’un visage humain schématique associé à des signes graphiques bizarres : c’est Glozel. Aujourd’hui, vous pouvez encore visiter le petit musée à Ferrières-sur-Sichon dans l’Allier. Sur Internet, il est présenté comme « un des plus anciens musées du Bourbonnais », présentant « plus de 2 500 pièces d’argile cuite, de pierre et d’os, découvertes à partir de 1924. Une part importante des collections comporte des inscriptions énigmatiques qu’on cherche encore à déchiffrer ». Vous pourrez y admirer, de « remarquables gravures et sculptures animales, idoles bisexuées, urnes à visage, tablettes à inscriptions 3 ». Le touriste innocent ne se méfiera pas : il se trouve pourtant sur les lieux d’une féroce controverse, surnommée « l’affaire Dreyfus de l’archéologie », rien que cela !

Résumons rapidement les faits : en 1924, Émile Fradin et son grand-père Claude découvrent, au lieu-dit Champ-Duranthon, des briques et des galets gravés de signes étranges. Le docteur Antonin Morlet, un amateur vichyssois, se passionne pour le site et y mène des fouilles disons « approximatives » pendant dix années. Il met au jour deux structures allongées en blocs de pierre qu’il interprète comme des tombes : voici donc le lieu rebaptisé « Champ des morts », ce qui est plus vendeur. Au fil des années, la collection d’objets s’étoffe jusqu’à 2 650 pièces, selon le dernier inventaire ! Qu’a-t-elle de si particulier ? Nous avons d’abord des harpons puis des objets en os avec des gravures d’animaux ou de personnages, d’allure paléolithique mais associés à des lignes de caractères, ainsi que des tablettes en argile et des poteries couvertes des mêmes écritures – car c’est ainsi que les signes furent qualifiés. L’écriture et la poterie auraient donc été inventées beaucoup plus tôt qu’on le pensait, au Paléolithique récent, en Auvergne !