L'altruisme pour mieux guérir

Se dévouer aux autres semble un excellent moyen de se reconstruire après une maladie ou tout autre traumatisme. Cette démarche est-elle vraiment désintéressée ?

Nombreuses sont les personnes qui, après avoir traversé des événements douloureux, s’engagent pour aider les autres. Dans son livre La Bonté humaine1, le psychologue Jacques Lecomte s’intéresse à cette forme particulière de résilience que des chercheurs américains ont baptisée « altruisme né de la souffrance ». Ervin Staub et Johanna Vollhardt, de l’université du Massachusetts 2, ont recensé plusieurs études qui mettent en évidence des comportements particulièrement altruistes chez des personnes qui ont vécu des événements traumatiques, que ce soit des guerres, des génocides, des attentats terroristes, des catastrophes naturelles, ou encore des maladies graves. Plusieurs éléments favorisent l’émergence de ces comportements altruistes : plus une personne a reçu de l’aide au moment où elle était en difficulté, plus elle aura tendance à aider par la suite. Le fait d’avoir été aidée l’amène en effet à s’appuyer sur des personnes altruistes comme modèles et à s’identifier à celles-ci. Le drame vécu entraîne une prise de conscience, et par conséquent un sentiment de responsabilité par rapport à la souffrance d’autrui. La motivation à aider est alimentée par une empathie accrue pour les personnes en souffrance et par une plus grande capacité à comprendre ce qu’elles vivent. Est-ce l’altruisme qui aide à se reconstruire, ou bien le comportement altruiste qui résulte de la reconstruction ? Jacques Lecomte parle de « spirale vertueuse » : « se sentir bien incite à vouloir aider les autres, et aider les autres conduit à se sentir bien ».

L’altruisme rend-il heureux ?

Si l’altruisme aide des personnes blessées à se reconstruire, il peut aussi être bénéfique, de manière plus générale, pour des personnes qui n’ont pas connu de traumatisme particulier. Plusieurs études mettent en évidence les bienfaits des actes altruistes pour les personnes qui les accomplissent. Des chercheurs suisses 3 ont récemment constaté un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, moins de stress et moins de burn-outs chez les personnes qui pratiquent à côté de leur travail une activité bénévole. Le bénévolat aurait même un impact sur notre perception du temps, et plus particulièrement sur la sensation de « ne pas avoir le temps » : d’après une étude américaine 4, donner du temps aux autres nous donne l’impression d’avoir davantage de temps disponible, ce qui serait lié à un sentiment d’efficacité personnelle. Le sociologue John Wilson s’est intéressé, lui, au bénévolat chez les seniors 5. Il observe que ce type d’activité contribue à une meilleure santé tant sur le plan mental que sur le plan physique.