L'amitié à l'adolescence : passionnée, sinon rien ? Rencontre avec Pascal Mallet

Dans cette rubrique, les ados interrogent un psy spécialiste de l’adolescence. Ils ont voté pour le sujet, préparé les questions avec leurs propres mots, et assuré eux-mêmes l’interview. Il est question ici de l’amitié à l’adolescence.


> Pascal Mallet

Professeur de psychologie à l’université Paris Nanterre, il a publié L’Amitié entre enfants ou adolescents. Une force pour grandir. (Armand Colin, 2015).


Est-on plus influencé par les amis que par la famille à l’adolescence ?

Ça dépend des domaines ! On a longtemps cru que l’adolescence marquait un conflit, une opposition entre les bonnes influences parentales représentant les normes de la société, et les pairs, qui entraîneraient vers des valeurs opposées. En fait, ce n’est pas le cas : en général, le groupe d’amis, parce qu’il est en grande partie choisi par l’ado, se trouve en phase avec les valeurs parentales. Les adolescents, le plus souvent, sont surtout influencés par leurs parents s’il s’agit de questions relatives à leur orientation scolaire ou professionnelle, et surtout par leurs amis pour ce qui relève des spectacles, des musiques, des vêtements, etc. On ne peut pas dire que les parents poussent plutôt dans un sens et les amis dans l’autre : c’est assez convergent. On partage certaines choses avec ses amis mais pas avec ses parents, mais pour autant, il n’y a pas de concurrence entre les deux.

Pourquoi devient-on ami avec quelqu’un, même si on ne se ressemble pas ?

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La réponse est dans la question : on veut être ami parce qu’on se complète. En fin de compte, la ressemblance n’est pas un critère vraiment décisif. Au début d’une amitié entre adolescents, on trouve certains points communs, beaucoup plus que dans les amitiés enfantines, mais pas dans tous les domaines, et surtout pour des choses assez superficielles. C’est plus tard seulement qu’on partagera des choses plus essentielles, et qu’on trouvera ce qui constitue vraiment notre identité. C’est précisément le contexte de ressemblance qui nous permet d’aller plus loin dans l’identification de ce qui nous est vraiment personnel. Dans la relation d’amitié, comme le disait le psychologue René Zazzo, et avant lui Henri Wallon, on se pose en s’opposant. Zazzo a montré de tels effets de couple chez les jumeaux : pour construire leur personnalité, ils ont besoin de se différencier. De même, si on était vraiment trop pareils entre amis, on s’y perdrait.

Comment parvenir à comprendre l’autre malgré nos différences ?

Pourquoi ne se comprendrait-on pas si on est différent ? C’est justement parce qu’on est différent qu’il y a quelque chose à comprendre. La différence peut éveiller la curiosité, donner matière à discussion. Sauf si on est quelqu’un de tout à fait obtus, et qu’on refuse de partager l’imaginaire de quelqu’un d’autre… Ou bien si on constate que quelqu’un est très éloigné de nous sur des valeurs fondamentales, par exemple sur le racisme : on ne va pas avoir envie d’aller discuter, on ne voudra pas comprendre, tant ça nous paraît révoltant.

Comment préserver une amitié et la faire durer ?