On disait naguère qu’un enfant a atteint « l’âge de raison » quand il devient apte à réfléchir aux conséquences de ses actes, quand il ne cède plus aux caprices de l’enfance, quand il peut devenir « raisonnable ».
Qu’est-ce que la raison ?
La « Raison » dans ce sens large, fut célébrée par les philosophes modernes comme ce qui permet aux êtres humains de se réaliser pleinement. Se libérer des passions : pour Descartes, la raison est l’antithèse des passions, elle est synonyme de self-control. La raison est ce qui permet aussi de s’affranchir des croyances, superstitions, routines de pensée qui n’ont pas fait l’objet d’un examen rigoureux. En ce sens la raison devient un ferment de liberté : ennemi de la religion, des discours d’autorités.
Dans un sens large, le mot « raison » servira donc pendant quatre siècles, de la Renaissance à la Révolution, à célébrer l’intelligence humaine en général.
Dans un sens plus restreint, la raison, désigne l’esprit mathématique : le sens de la déduction, du calcul, « l’esprit de géométrie », comme dit Pascal. Il faut dire qu’à partir de la Renaissance et l’émergence de la science classique, on assimile volontiers la science et les mathématiques : la « nature est écrite en langage mathématique », disait Galilée. Percer le mystère du monde, c’est trouver les lois mathématiques qui le gouvernent, comme la formule de la gravitation universelle découverte par Newton. Et la plupart des philosophes sont aussi mathématiciens : Descartes invente la géométrie analytique, Pascal invente le calcul des probabilités, Leibniz crée le calcul infinitésimal. Diderot ou Voltaire s’intéresseront aussi de près aux sciences et mathématiques de leur temps.
Célébrer la raison à l’époque des Lumières c’est donc célébrer à la fois l’intelligence en général et les sciences – physique et mathématiques - en particulier.
Toutefois, Kant commence à percevoir les limites de la « raison pure ». Certes, la déduction et le raisonnement rigoureux font des merveilles dans le domaine mathématique et des sciences physiques. Il peut même servir dans le domaine moral pour forger des principes universels et guider sa conscience (ce que Kant nomme « raison pratique »). Mais, appliquée à certaines notions qui échappent à l’observation et la vérification (en matière de métaphysique ou de théologie), la raison peut devenir un piège de l’esprit.
Les aventures de la raison
Jusqu’au xviiie siècle, la « raison » fut célébrée par les philosophes comme ce qui permet d’accéder à la vérité, se défaire des passions et des croyances par définitions « irrationnelles ». Restait donc à explorer plus précisément ce que recouvre ce mot. Ce que vont entreprendre logiciens, philosophes, psychologues à partir du xixe siècle. Au fil du temps, la raison va être décortiquée en plusieurs domaines, perdre de son unité, exploser en significations multiples et finalement être sévèrement critiquée comme une illusion de l’esprit…