Avec plus de deux millions d’incarcérés et près de cinq millions d’Américains en liberté conditionnelle ou en probation, les États-Unis détiennent un des taux de mise sous surveillance judiciaire les plus élevés au monde. Les Afro-Américains pauvres sont particulièrement concernés : 60 % des Noirs qui ne terminent pas leurs études secondaires sont incarcérés avant l’âge de 35 ans.
La sociologue Alice Goffman, fille du célèbre sociologue Erving Goffman de l’école de Chicago, découvre cette réalité alors qu’elle donne des cours particuliers à de jeunes Noirs américains qui habitent dans un ghetto de Philadelphie. Elle décide d’étudier les effets de ces politiques répressives auprès des habitants.
Apeurés par les menaces de démêlés avec la police et la justice, les habitants, même ceux qui n’ont rien à se reprocher, apprennent à fuir dès qu’ils entendent les sirènes. Il règne ainsi un climat de crainte qui amène la plupart des habitants à se cacher ou à rester discrets pour éviter les forces de l’ordre.
« Tu fais quoi si t’entends les sirènes ? » Chuck, 19 ans, pose cette question à son petit frère de 12 ans. Les conseils que donne le frère aîné révèlent l’art de fuir qu’il a appris : ne pas se réfugier chez soi, même dans une cachette ; ne pas aller chez de la famille, ni chez quiconque avec qui on a des liens connus. Trouver refuge chez une vague connaissance. Cet extrait commence l’ouvrage. Le lecteur parcourt au fil des pages la vie quotidienne des habitants noirs de Philadelphie, en commençant par ceux qui sont directement confrontés à la police, pour en venir à leurs proches et enfin, à ceux qui n’ont rien à se reprocher, les « cleans ».