Au restaurant, votre conjoint passe son temps à pianoter sur son téléphone. La « chambre avec vue sur la mer » louée par téléphone donne sur un parking. On construit un aéroport à deux pas de votre domicile. La sollicitude des démocraties modernes offre aux gens de multiples moyens de se plaindre. Mais, aux dires du psychologue américain Guy Winch, si l’on râle beaucoup plus aujourd’hui qu’autrefois, on le fait de moins en moins bien. Malgré la multiplication des services de traitement des réclamations, la plupart des gens préfèrent garder leur plainte pour eux ou se lamenter auprès de leurs proches, sans s’adresser directement aux responsables des faits. Or, souligne l’auteur, la plainte bien dirigée a des vertus thérapeutiques, et l’activisme permet de lutter contre le sentiment de victimisation. G. Winch cite l’exemple d’une patiente souffrant de dépression sévère dont l’état s’est subitement amélioré le jour où elle s’est improvisée présidente d’une association de quartier contre la construction d’un centre de distribution de méthadone (un substitut de l’héroïne) dans sa rue. Se trouver un adversaire à combattre n’est-il pas moins pénible que la culpabilité écrasante que l’on éprouve au quotidien lorsque l’on est très déprimé ?
L'art de se plaindre et de se faire entendre
L’Art de
se plaindre et de se faire entendre
. Guy Winch
, Payot, 2011, 294 p., 21,50 €.