La connerie, en politique et au-delà, est sans doute la chose au monde la mieux partagée. Ses manifestations sont multiples et variées, de sorte qu’aucune définition générique ne peut en être proposée a priori. On peut cependant partir d’exemples tirés de la vie politique pour distinguer trois grandes nuances de connerie 1.
Gaffeurs et Rantanplan
La connerie peut d’abord s’apparenter à une erreur, une gaffe, ce qui est inhérent à l’action politique comme à toute action humaine. « C’était une connerie », a expliqué en off Emmanuel Macron à propos de la limitation de la vitesse automobile à 80 km/h, voulue par son Premier ministre d’alors, Édouard Philippe 2. Il en va de même pour la dissolution de l’Assemblée nationale en 1997, idée saugrenue soufflée par Dominique de Villepin au président de la République Jacques Chirac. On connaît la suite : l’élection législative a conduit à la défaite du parti présidentiel, lequel a dû se résoudre à une cohabitation avec un nouveau Premier ministre, Lionel Jospin, adversaire socialiste. Lequel L. Jospin ne s’est pas privé de dire des conneries lors de l’élection présidentielle de 2002, expliquant que J. Chirac était trop vieux pour gouverner ou encore que la politique ne pouvait résoudre le problème du chômage (à quoi servirait-elle alors ?). Nul ne sait si ces indélicatesses lui ont coûté son élection, mais elles ne l’ont sans doute pas favorisée.
La connerie peut aussi désigner un manque d’esprit, de finesse ou de hauteur de vue, qualités nécessaires dans la politique, qui vise le bien commun et l’intérêt général. Certaines figures du monde politique (souvent de droite) sont ainsi brocardées, comme en témoignent les surnoms cruels qu’on leur associe. Christian Estrosi, maire de Nice, a été qualifié de « motodidacte », en référence à son absence de diplôme et à son passé de champion de moto ; Christian Jacob, patron actuel des Républicains, a été affublé du sympathique surnom de « Rantanplan », le chien stupide apparaissant dans la bande dessinée Lucky Luke ; de même, l’ancienne porte-parole du gouvernement d’Édouard Philippe, Sibeth Ndiaye, a été moquée pour ses bourdes à répétition. La chaîne humoristique Ridicule TV a rassemblé, sous le jeu de mots facile Ne sois pas Sibeth (référence à une chanson de France Gall), une série de vidéos contenant les déclarations les plus « connes » de cette ancienne secrétaire d’État faisant partie du premier cercle d’Emmanuel Macron 3.
Cette forme d’humour suggère que l’intelligence des politiques ne serait pas très développée. Mais s’il existe plusieurs nuances de connerie, il y a en retour plusieurs manières d’approcher l’intelligence en politique. Il serait faux (et injuste) de ne pas reconnaître aux deux Christian (Estrosi et Jacob) une intelligence politique aiguisée, dont témoignent leurs multiples succès électoraux et leur longévité. De même, on sait le rôle majeur que S. Ndiaye a joué aux côtés du candidat Macron dans sa marche vers l’Élysée. Autrement dit, on peut se faire traiter de con et réussir en politique, la culture, la finesse d’esprit, la hauteur de vue devant ici être distinguées de l’habileté permettant de conquérir le pouvoir, cet objectif constituant l’une des finalités, mais non la seule, de l’action politique.