L'autisme dans la fiction : un enfer pavé de bonnes intentions ?

La série Atypical met en scène un personnage autiste. Idéal pour faire tomber les clichés… ou les renforcer ? Les personnes concernées sont divisées. Comment représenter la neurodiversité ?

«Je suis bizarre, tout le monde le dit. Parfois je ne saisis pas ce que les gens veulent dire et je me sens seul, même avec du monde autour. Je reste là à tripoter un objet. Un comportement d’autostimulation. Je fais claquer un élastique contre un stylo à un certain rythme en pensant à tout ce que je ne ferai jamais : étudier les manchots en Antarctique, avoir une copine. J’aimerais bien aller en Antarctique. »

C’est sur ces mots que s’ouvre le premier épisode de la série Atypical, diffusée depuis le 11 août 2017 sur Netflix. Cette fiction américaine met en scène le quotidien d’un adolescent autiste confronté aux difficultés du passage à l’âge adulte. Si la première saison a globalement séduit les critiques et le public (la série a été renouvelée pour deux saisons supplémentaires), elle a aussi fait l’objet de critiques négatives, notamment de la part de personnes autistes. Des critiques qui mettent en évidence la complexité de la question de la représentation, dans la fiction, la culture, les médias, de personnes « atypiques », différentes, minoritaires… Comment représenter la diversité sans tomber dans le piège des stéréotypes ?

L’autiste savant qui cache la forêt

Les créateurs d’Atypical ont le mérite d’épargner le stéréotype numéro un en matière « d’autiste de fiction », à savoir un individu doté de capacités intellectuelles extraordinaires, tout en étant décalé, face à des situations simples du quotidien. Dans la réalité pourtant, ce « syndrome du savant » ne concerne qu’un nombre restreint de personnes diagnostiquées autistes. « C’est triste à dire mais la différence fait peur dès lors qu’elle se situe dans la difficulté, alors qu’elle fascine lorsqu’il s’agit de ‘‘capacités supérieures’’, observe le psychologue Jean-Luc Robert sur son blog 1. «L’autisme est un spectre », rappelle Alice, doctorante en histoire, sur le blog The Autist 2. « Il y a certes des personnes ayant une déficience intellectuelle (ce qui ne signifie pas qu’ils n’ont aucune intelligence) et des génies, qu’il faudrait d’ailleurs respectivement cesser de stigmatiser et d’aduler, mais il y a surtout des hommes et des femmes à l’intelligence ordinaire qui, tous, luttent chaque jour contre leurs angoisses. Les autistes n’ont pas à se sentir coupables ou nuls de ne pas être capables de retenir les 22 514 premières décimales de Pi ».