La plus perdue de toutes les journées est celle où l’on n’a pas ri » disait le poète, moraliste et grand pourvoyeur de maximes Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort. Freud estimait, quant à lui, que l’humour était « une façon stratégique de libérer une angoisse inconsciente ». Les fervents pratiquants de l’autodérision ont pu constater, au moins de façon empirique, qu’utiliser leurs peurs pour s’en moquer les aidait non seulement à se sentir mieux, mais aussi à attirer la sympathie de leur entourage. Une stratégie gagnant-gagnant que Serban Ionescu, professeur de psychopathologie et directeur du centre de recherche Traumatisme, Résilience, Psychothérapies de l’université de Paris-VIII, décrit comme un mécanisme de défense qui « épargne à la personne en difficulté les affects douloureux que sa situation devrait entraîner » 1. Une récente étude de l’université de Grenade en Espagne le confirme : ceux qui font le clown en se moquant d’eux-mêmes pour faire rire la galerie sont en meilleure santé psychologique 2.
Se moquer de soi pour toucher l’autre
Éviter d’être moqué puisqu’on le fait avant les autres, dissimuler et tromper ses angoisses, paraître confiant, mettre les autres à l’aise aussi en n’ayant pas peur de dévoiler nos faiblesses… Et devenir, du coup, admirable à leurs yeux. Bien maîtrisée, l’autodérision est une technique de réassurance imparable. Elle nous rassure et rassure les autres : nous nous en faisons des complices qui peuvent à leur tour se montrer plus doux vis-à-vis d’eux-mêmes, relativiser ce qui les soucie, ce qui leur fait peur, en apprenant de notre joyeux détachement. Rire de soi, c’est permettre aux autres d’en faire autant vis-à-vis d’eux-mêmes. Mais l’autodérision n’est pas donnée à tout le monde. Elle suppose de bien se connaître et de trouver la limite entre recul, évacuation de ses pensées négatives et déni de ses émotions.