Quelles sont les conduites d’automutilation les plus fréquentes, et chez quels sujets ?
Les plus fréquentes sont les coupures de poignet. Mais la palette est assez large, depuis les blessures plus profondes chez les schizophrènes jusqu’à se ronger les ongles de manière exagérée. On s’est longtemps intéressé à ces troubles chez les populations cliniques adolescentes, schizophrènes et autistes notamment, mais des études de population générale, notamment une que j’ai menée auprès 2 000 adolescents de 15 ans des régions Alsace et Poitou-Charentes, montrent un taux d’automutilation, toutes formes et fréquences confondues, aux alentours de 33 %. Un adolescent sur trois, au moins une fois dans sa vie à 15 ans, s’est donc automutilé. Les deux tiers des adolescents concernés l’ont fait par scarification. En l’espace de 20 ans, ce taux d’automutilation a augmenté de 300 %.
Est-ce que réellement les adolescents se mutilent davantage, ou le trouble est-il simplement mieux diagnostiqué ?
On y est certes plus sensible, mais il y a bel et bien une amplification du trouble. Il fait l’objet d’une certaine banalisation, et ce, dans toutes les catégories de la population. Ce qui est préoccupant, c’est que ce comportement autrefois emblématique de certains troubles psychiques devient une stratégie commune d’adaptation, de régulation émotionnelle et affective. C’est pour les ados une façon de gérer des trop-pleins émotionnels, alors qu’avant, on régulait par exemple ses émotions à la Bridget Jones, en se jetant sur une tablette de chocolat…