L'École et l'Argent. Quels financements pour quelles finalités ?

Roger-Franois Gauthier et André D. Robert, Retz, 2005, 175 p., 13 €.

S'attaquer sans fausse pudeur à un sujet souvent tabou, telle est l'ambition de ce livre bien documenté et solidement argumenté : l'évaluation de ce que le système éducatif coûte à la collectivité, et surtout la manière dont ces dépenses d'éducation sont supportées par les différentes catégories sociales.

Tout en refusant vigoureusement de cautionner les théories libérales, les deux auteurs proposent des analyses souvent percutantes qui dérangeront le lecteur persuadé de l'exemplarité de la gratuité « à la française ». Ils montrent notamment comment, par un cumul d'effets pervers, les dépenses publiques « profitent aux familles aisées ». Ainsi, le montant des transferts monétaires que la pratique fiscale du quotient familial offre aux familles qui payent le plus d'impôt est plus de six fois supérieur à ce que les familles modestes reçoivent en bourses et allocation. Ou encore, la gratuité des classes préparatoires aux grandes écoles profite d'abord aux enfants des familles privilégiées, qui y sont largement majoritaires, alors que les frais d'inscription dans les universités, qui accueillent beaucoup plus d'enfants de familles modestes, ont significativement augmenté.

Ratés d'une décentralisation mal acceptée par l'administration, gaspillages des changements de politiques dues aux alternances et à la « valse » des recteurs, inconséquence des rédacteurs de programmes qui imposent aux maisons d'édition des délais de publication impossibles à respecter, tout ce qui nuit à l'efficacité du service public d'éducation est dénoncé par les deux auteurs. Appelant l'Etat à « balayer devant sa porte », ils concluent à la nécessité de « repenser l'équité » et estiment que « l'Education nationale est dans l'erreur quand elle considère que le financement de l'éducation consiste presque exclusivement à rémunérer des maîtres, sans prêter une véritable attention au financement des outils, individuels et collectifs, de l'étude et du savoir ».