L'écrasante chaleur humaine

Coincé de bon matin par les portes automatiques de l'ascenseur, toisé du regard ou épié par l'oreille indiscrète d'un voisin de table au restaurant, entouré par des collègues dans le cadre exigu d'un bureau partagé...

Nous subissons ces contacts imposés par la densité humaine, sans toujours en mesurer les conséquences psychologiques. Un cadre de vie surpeuplé peut, par exemple, infléchir le développement cognitif et émotionnel d'un enfant. Les chercheurs américains et australiens Gary W. Evans, Peter Lercher et Walter W. Kofler se sont intéressés aux effets cumulés des conditions de logement et de la densité humaine par foyer sur la psychologie infantile 1. Les psychologues ont suivi plusieurs centaines d'enfants âgés de 9 à 10 ans, répartis dans trois types d'habitations : maison individuelle, résidentielle et appartement, avec une densité familiale (nombre de personnes rapporté au nombre de pièces) variable. L'hypothèse d'un effet cumulé des différentes sources de stress paraît confirmée : les chercheurs font état de troubles cognitifs, émotionnels et du comportement plus importants chez les enfants vivant en appartement que chez leurs camarades en pavillons, à niveau égal de confinement familial. Le rôle de l'architecture intérieure sur les processus psychosociaux s'avère aussi déterminant : l'enfant doit pouvoir bénéficier d'un lieu personnel, où il peut se retirer. Surtout, il paraît utile de fragmenter l'espace (quitte à réduire la surface des pièces), de façon à limiter les rapports non-désirés. Une étude espagnole sur les interactions du confinement familial et urbain chez l'adulte confirme que l'homme ne s'adapte pas à la multiplication des sources de stress2. Sa sensibilité augmente de façon proportionnelle, jusqu'à un seuil de saturation.