« Avant tout, il me fallait entrer dans la nuit avec elle. Tout effort pour comprendre serait vain sans cela, vain et stérile, inopérant à l'aider. » Ainsi s'exprime la psychanalyste Danièle Deschamps au souvenir de l'une de ses patientes, affectée d'un traumatisme. Comment faire, en effet, pour aborder, percevoir, entendre, à travers la variété de leurs symptômes, l'expérience des traumatisés ? Nous voilà projetés au coeur de la dimension humaine du soin psychologique. Dans un va-et-vient entre expérience clinique et réflexions théoriques, D. Deschamps nous fait part d'une pratique clinique de trente années, menée dans trois pays successifs, en privé ou à l'hôpital. Les pathologies du trauma, qu'elle situe « en deçà de la névrose et de la psychose », sont souvent silencieuses. Elles n'ont rien d'objectivable : des points de rupture de l'équilibre, générés par la maladie, la torture, l'abandon, la violence ou la psychose, que le temps a figés. Laissés dans un état de choc, les patients qu'elle rencontre ont pour point commun d'être désespérés et totalement résignés... La « recréation du sujet » anéanti par le trauma est une aventure à deux, un véritable travail d'artisan, explique-t-elle, qui suppose chez le thérapeute deux qualités essentielles: l'« utopie » et une grande capacité d'innovation. Transfert et contre-transfert sont explorés et exploités avec une attention particulière portée au corps et aux « sensations brutes ». Face au désespoir de l'autre, il n'est pas d'automatisme ni de neutralité possibles, affirme l'auteure, qui professe ainsi une approche empathique et sensible des troubles traumatiques.
Luigi Delia
Directeur de programme au Collège International de Philosophie à Paris. Il a notamment publié Droit et philosophie à la lumière de l'Encyclopédie, Oxford University Studies in the Enlightenment, 2015.