L'essor planétaire du capitalisme

La révolution industrielle survenue en Europe occidentale est généralement considérée comme une rupture fondatrice, le moment où le capitalisme laisse derrière lui sa préhistoire mercantile pour prendre les traits qui l’ont longtemps caractérisé : le temps des usines et des grandes concentrations ouvrières. Ce moment marquerait aussi l’avènement d’une suprématie européenne assise sur sa supériorité technologique. Bientôt, des lignes de chemin de fer achemineront les produits à travers le Vieux Continent, la péninsule indienne ou les Amériques. Bientôt aussi, les canonnières à vapeur pénétreront au cœur des ténèbres d’un continent africain en voie de colonisation.

Ce récit ne fait plus l’unanimité aujourd’hui. Plus qu’une « révolution », l’industrialisation européenne serait une évolution graduelle qui n’a pas eu d’effets immédiats sur la richesse du Vieux Continent. Elle n’expliquerait pas non plus l’avantage que l’Europe a soudainement pris sur la grande puissance économique de l’époque, la Chine. Du coup, le débat est relancé sur ce qui constitue la véritable origine de la suprématie économique européenne. Là où l’historien américain Kenneth Pomeranz insiste notamment sur l’impact des conquêtes territoriales dans les Amériques, d’autres relativisent l’apport du colonialisme. Le XIXe siècle n’en reste pas moins le siècle britannique, « atelier du monde », mais aussi plaque tournante de la finance planétaire. À la fin du siècle, un nouvel hégémon se prépare déjà à prendre l’ascendant. Colosse au pied d’argile, les États-Unis entraîneront bientôt le monde entier dans la débâcle financière de 1929.