L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme suivi d'autres essais

Max Weber, Gallimard, rééd. 2003, 531 p., 30 €.

On ne présente plus « L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme » (série de deux articles parus initialement en 1904 et 1905) et encore moins son auteur, le sociologue allemand Max Weber (1864-1920). Le public français disposait depuis 1964 d'une traduction de ce texte (éditions Plon). Une autre a paru tout récemment chez Flammarion. C'est donc une troisième traduction que nous propose Jean-Pierre Grossein, spécialiste français incontesté de l'oeuvre wébérienne. Pour deux raisons au moins, cette nouvelle entreprise s'impose comme une référence incontournable. J.-P. Grossein a d'abord traduit avec le soin qu'on lui connaît les pages dans lesquelles M. Weber met en exergue la nature des liens qui unissent croyances religieuses et action capitaliste. Mais il offre également la traduction de deux textes sur les sectes protestantes (1906, 1920) ainsi que celle du copieux dossier dit des « anticritiques » (dans lequel M. Weber répond en détail à différentes critiques qui lui ont été adressées). L'ensemble de l'ouvrage est assorti d'une solide introduction qui présente le contexte et les enjeux de L'Ethique ainsi que de divers glossaires et index dont on ne saurait trop remercier leur auteur pour leur vertu pédagogique. Le second point fort du travail de J.-P. Grossein est le souci d'exactitude qui transpire à la lecture de chacun des mots, phrases, expressions...

Un seul exemple suffira à convaincre : par fidélité à l'esprit de l'entreprise wébérienne, J.-P. Grossein propose de traduire Beruf par « profession-vocation ». Cette idée de Beruf, centrale dans la démonstration qu'effectue M. Weber, renvoie à celle d'activité professionnelle. Mais elle est tout aussi indissociable du fait que dans l'éthique protestante, chez Luther au premier chef, chacun doit vivre conformément à l'appel (berufen) du Seigneur. Voilà pourquoi J.-P. Grossein choisit de ne plus traduire Berufmensch par « homme besogneux » (traduction Plon) ou par « homme de métier » (traduction Flammarion) mais par « l'homme ordonné à la profession conçue comme vocation ». De nombreux autres choix (Gesinnungsethik rendu par « éthique de la disposition intérieure »...) contribuent à éclairer de manière inédite ce texte majeur dans l'histoire de la sociologie.