La parole sur les violences sexuelles se libère au fil des générations. C’est ce que confirme une enquête de l’Inserm portant sur les violences sexuelles pendant l’enfance, menée à partir de 28 011 questionnaires. 60 % des femmes et la moitié des hommes de moins de 25 ans déclarent ainsi s’être déjà confiées sur leur agression, contre seulement 42 % des femmes et un quart des hommes de plus de 60 ans. Quand les victimes réussissent à se confier, elles le font avant tout à des proches : parents, partenaires ou relations amicales.
Mais cette plus grande facilité à parler parmi les jeunes générations, que les chercheurs lient notamment à l’essor des mouvements féministes et de #MeToo, a eu un impact limité sur la dénonciation d’une forme particulière de violence sexuelle : l’inceste. L’enquête révèle en effet que seules 8 % environ des victimes en ont parlé à la fois à leurs parents et à des professionnels de la santé, de la police ou de la justice. Ce constat renvoie aux travaux de l’anthropologue Dorothée Dussy ayant montré que les victimes d’inceste sont souvent dissuadées de parler à des personnes extérieures à leur cercle familial – ce qui compromet leurs chances de bénéficier de soins spécialisés du psychotraumatisme.
Pour briser cette culture du silence et du déni, les chercheurs pointent le rôle de repérage que pourraient davantage jouer les professionnels de l’éducation. Une recommandation alignée avec celle de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), pour qui l’école, notamment, a un rôle à jouer dans le développement d’une culture de la protection.
source
• Élise Marsicano et al., « Violences sexuelles durant l’enfance et l’adolescence : des agressions familiales dont on parle peu », Population & Sociétés, n° 612, juin 2023.