L'interprétation du rêve : un cauchemar pour Freud !

La publication de l’ouvrage fondateur de la psychanalyse ne fut pas une partie 
de plaisir pour Freud. Ses premiers disciples le poussèrent à revoir sa théorie pendant trente ans, au fil de nouvelles éditions… aujourd’hui escamotées.

Un coup de tonnerre, venu ex nihilo, a conféré ses lettres de noblesse à l’étude scientifique du rêve, valu la gloire à Freud et suscité d’emblée de multiples vocations de psychanalystes. L’interprétation des rêves (ou du rêve dans des traductions plus récentes) : un texte définitif, un classique qui a ouvert en beauté l’année 1900. Voilà un joli chapelet d’idées reçues qui méritent d’être nuancées !

D’abord, de manière anecdotique, si L’Interprétation des rêves est daté de 1900, il est sorti le 4 novembre 1899. Ensuite, initialement, ce n’est pas un succès : les quelques psychologues qui en font alors la critique manifestent un scepticisme glacé, et il faudra huit ans pour en écouler les 600 exemplaires. Enfin, s’intéresser aux rêves pour des motifs scientifiques n’a rien d’original : pour ne citer que les plus influents, Alfred Maury et Joseph Delboeuf, que Freud a lus et admirés, ont déjà consigné leurs rêves et tenté de les analyser dans leurs aspects psychologiques comme physiologiques. Ainsi en est-il de Gabriel Tarde, autre rêveur acharné du XIXe siècle (1). L’attention au rêve s’inscrit dans une tradition européenne vieille d’un demi-siècle. L’inno­vation chez Freud consiste à utiliser l’analyse du rêve pour proposer une première exposition théorique d’envergure de ce qu’il appelle dans des articles épars, depuis 1896, la psychanalyse.