En 2008, accusée d’avoir empoisonné son fiancé alors qu’elle clamait son innocence, une jeune Indienne, Aditi Sharma, a été soumise à l’épreuve du détecteur de mensonges. L’électroencéphalogramme montrait une réaction identique aux phrases « J’ai acheté de l’arsenic », « Le ciel est bleu », ou encore « J’ai eu une liaison avec Udit ». Les experts en ont conclu que l’achat du poison était un fait établi au même titre que la couleur du ciel. L’argument fut retenu comme preuve à charge, et la jeune fille condamnée à la détention à perpétuité. Le récit de l’affaire dans le New York Times ainsi que les nombreuses contestations de la validité de l’épreuve ont permis l’annulation de la condamnation. Souvent cité, cet exemple témoigne d’une réalité : dans certains pays, les neurosciences ont déjà fait leur entrée dans le champ du droit. Depuis que des recherches ont fait apparaître une corrélation entre des lésions cérébrales et certains comportements compulsifs, des avocats américains n’hésitent plus à présenter au tribunal des images cérébrales susceptibles d’expliquer le comportement d’un accusé. « La fragilité du témoignage humain et la subjectivité des expertises psychiatriques et psychologiques incitent à se tourner vers des techniques plus performantes », reconnaît Christian Byk, magistrat à la Cour d’Appel de Paris et secrétaire général de l’association internationale de droit, éthique et sciences. Mais dans quelle mesure peut-on envoyer ainsi l’imagerie cérébrale au secours de la justice ? En France, la question fait débat. La loi de bioéthique révisée de juillet 2011 a ouvert une brèche en établissant que les techniques d’imagerie cérébrale peuvent être employées dans le cadre d’expertises judiciaires (voir encadré ci-dessous). Les images de cerveaux produites par IRM peuvent donc être théoriquement utilisées comme éléments de preuve devant un tribunal. Dans un rapport sur le neurodroit publié en septembre 2012 (1), le Centre d’analyse stratégique (CAS) s’est penché sur ce problème. Sans nier qu’une anomalie neuroanatomique puisse modifier le comportement d’un individu, Olivier Oullier, professeur de psychologie et chercheur au laboratoire de psychologie cognitive d’Aix-Marseille Université, précise que l’imagerie cérébrale « ne peut, à elle seule, suffire à fonder l’irresponsabilité pénale d’un accusé ». Autrement dit, il ne peut s’agir que d’une information parmi d’autres venant étayer un dossier. Avec le risque toutefois que le caractère scientifique et « objectif » de l’imagerie cérébrale n’influence exagérément juges et jurés…
Marc Olano