L'odyssée d'un psy en roue libre

C’est à une expérience peu banale que s’est livré Sam Shuster, professeur retraité en dermatologie de l’université de Newcastle, mais psychologue social improvisé. Profitant de son temps libre pour s’exercer au monocycle, il a observé pendant plus d’un an les réactions des personnes croisées dans la rue alors qu’il se promenait perché sur son unique roue.
Il a ainsi soigneusement consigné les réactions de plus de 400 personnes. Si 5 % d’entre elles n’ont exprimé aucune réaction – physique ou verbale - à son approche, il a bien souvent suscité des commentaires, des sourires ou au contraire des gestes de recul. Dans la moitié des cas, les réactions au passage du Pr Shuster en monocycle étaient verbales. Le principal résultat de cette singulière expérience est que les différences de comportements se révèlent très frappantes selon l’âge, et surtout selon le sexe des personnes rencontrées. Ainsi, alors que les enfants en bas âge, filles et garçons, exprimaient bien souvent de la curiosité à l’égard du promeneur en monocycle, il n’était pas rare que les garçons plus âgés (de 11 ans à 13 ans) se montrent agressifs, certains lui lançant des pierres pour le déséquilibrer. Chez les adultes, les interactions avec le Pr Shuster diffèrent clairement selon le sexe de l’interlocuteur : alors que les femmes exprimaient fréquemment leur admiration envers le monocycliste, les hommes se livraient souvent à un commentaire sarcastique, du type : « Perdu une roue ? » Ainsi, alors que 95 % des commentaires exprimés par les femmes étaient élogieux, ce n’était le cas que pour 25 % des commentaires formulés par la gent masculine. La majorité des hommes qui ont croisé l’universitaire en monocycle lui ont lancé des commentaires sur le ton de la plaisanterie. Des blagues que leurs auteurs voulaient originales et drôles, sans qu’elles le soient toujours, soulève le Pr Shuster. Pour l’universitaire retraité, cette propension des hommes à lancer des plaisanteries à propos de son monocycle relève d’un « mécanisme commun sous-jacent » à la gent masculine : « une forme d’agression verbale », rendue acceptable par le ton humoristique employé.