L'opinion et ses publics. Une approche pragmatiste de l'opinion publique

Mathieu Brugidou, Presses de Sciences po, 2008, 212  p., 22 €
Chez les sociologues, l’opinion n’a pas toujours bonne presse. Pour nombre d’entre eux, en effet, il s’agit là d’une notion que, par ignorance ou par commodité, experts et journalistes mobilisent sans trop se soucier de la teneur de leur discours. Pierre Bourdieu a été le premier à affirmer, en ce sens, que « l’opinion publique n’existe pas ». Mathieu Brugidou, qui a travaillé près de dix ans en instituts de sondage, propose de se défaire de cette vision critique. Selon lui, les dispositifs d’enquête ne doivent pas tant chercher à prendre la température d’un échantillon dit « représentatif de l’opinion publique » qu’à rendre compte des paroles, des images et des récits qu’utilisent les citoyens pour se forger des idées sur les questions les plus variées.

 

En marchant dans les pas du philosophe pragmatiste John Dewey, M. Brugidou estime que toutes les personnes que l’on interroge sont compétentes pour produire un avis et qu’elles sont donc capables de s’exprimer dans l’espace public. Pour échapper aux vieilles critiques auxquelles sont soumis les sondages, il faut néanmoins repenser les manières de recueillir la parole. Pour ce faire, l’auteur propose une nouvelle approche : utiliser les questions ouvertes, inventer des sondages expérimentaux, mettre en évidence des corrélations entre groupes statistiques… En rénovant ainsi l’appareillage méthodologique, l’objectif consiste à pouvoir mettre en évidence l’existence de « lieux communs » argumentatifs ou narratifs utilisés de façon plus ou moins routinière par les individus qui, de la sorte, se constituent en publics.