L'ordre des psychologues : à l'ordre du jour ?

Depuis une dizaine d’années, l’éventualité d’un ordre suscite de vifs débats 
au sein de la corporation des psychologues. Pourquoi ces controverses ? 
Où en sont les nouvelles négociations ?

Avant de s’immerger au cœur de ces débats corporatistes, commençons par le commencement : qu’est-ce qu’un ordre ? Il s’agit d’un regroupement, pourvu d’une dimension juridique, des membres d’une même profession. Une organisation qui a pour mission de délivrer la qualification professionnelle de ses membres tout en assurant leur respect de la déontologie. Certains pays ou provinces, à l’image du Québec ou de l’Italie, possèdent déjà un ordre des psychologues (voir article ci-dessous). Mais au sein de la communauté française des psychologues, la question fait débat.

Le Syndicat National des Psy­chologues (SNP) est le premier organisme à soulever la question de l’ordre sur la scène publique dans les années 2000. Il en prône la création, à l’instar du Syndicat des psychologues en exercice libéral (SPEL). Selon ses partisans, l’ordre viserait à réunir les communautés de psychologues en conflit, et ainsi à développer une certaine tolérance des courants théoriques et métho­dologiques respectifs.

Il permettrait donc d’atténuer cette guerre de chapelles pour assurer une meilleure cohésion de ses membres. Les bénéfices de cet ordre seraient multiples : il assurerait l’indépendance professionnelle des psychologues, notamment à l’égard des médecins, tout en apportant une dimension juridique au code de déontologie.

« Après avoir cru que la protection du titre de psychologue suffisait, nous assistons, hélas, à un pillage de nos savoirs, au profit de métiers parfaitement marketés, promulgués par une époque consumériste et déshumanisante », indiquait il y a quelques années le SPEL sur son site web (1).

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Vers 2006, la question commence à faire l’objet de débats. En 2008, plusieurs pistes visant à réglementer le code de déontologie des psychologues sont envisagées, la création d’un ordre constituant alors l’une des solutions envisageables. Pourtant, certaines organisations, dont la Fédération française des psychologues et de la psychologie (FFPP) et la Société française de psychologie (SFP) s’y opposent. Celles-ci craignent que la création d’un ordre soumette les psychologues au pouvoir du Ministère de la Santé, et ainsi aux médecins qui y sont particulièrement présents. « L’ordre maîtriserait le processus sans être nécessairement composé de psychologues (2). Il y a donc un risque de dessaisissement du pouvoir par les psychologues. De plus, l’ordre ne pourrait cultiver ce lien étroit entre praticiens et universités, pourtant précieux à cette profession », s’inquiète Benoît Schneider, psychologue, professeur de psychologie de l’éducation à l’uni­versité Nancy 2, et président de la FFPP. La concrétisation d’une telle structure risquerait également, selon ses détracteurs, de faire l’objet d’enjeux de pouvoir de la part de divers courants théoriques, au risque de raviver les luttes dogmatiques. En 2009, les 25 associations et syndicats du GiRéDép (3), soit plus de 18 000 psychologues, s’opposent à la création d’un ordre.