La captologie, ou l'influence par la technologie

Déclencher un comportement devant votre écran, puis vous amener à le répéter. Vous laisser hypnotiser, en quelque sorte. C’est tout l’objet de la captologie, ou encore design du comportement.

Vous consultez votre smartphone des dizaines de fois par jour. Difficile de résister à cette envie. Guetter les messages, les nouvelles publications, les commentaires, les « likes », les « matchs », les « retweets ». Cliquer sur un lien, puis sur un autre, et encore un autre. Allez, un dernier. Vous retournez sur Twitter, car il y a forcément du nouveau depuis tout à l’heure… Et puis vous vérifiez Facebook une dernière fois. Et pourquoi pas un petit tour sur Instagram ? Et une partie de Candy Crush ! Voilà. Deux heures se sont écoulées, et vous n’avez toujours pas commencé à rédiger l’article que votre rédac chef vous réclame depuis une semaine. Vous vous sentez dépassé. Vous vous maudissez pour votre faiblesse, votre incapacité à vous maîtriser. Mais peut-être n’êtes-vous pas le seul responsable. Peut-être même que ces applications ont été conçues exprès pour vous rendre accro.

À l’ère de l’économie de l’attention, le succès et la rentabilité de ces outils dépendent en effet largement du temps que nous passons à les utiliser. Et afin de trouver les meilleurs moyens de capter et retenir notre attention, les têtes pensantes de la Silicon Valley s’appuient depuis quelques années sur une nouvelle discipline, à l’intersection de l’informatique et de la psychologie, baptisée captologie.

BJ Fogg et la captologie

Le terme captologie, acronyme de Computers As Persuasive Technology, a été créé en 1996 par l’Américain B.J. Fogg, docteur en psychologie expérimentale et professeur à l’université de Stanford. La captologie peut être définie comme l’étude de l’informatique et des technologies numériques comme outils de persuasion et de changement des comportements. Dans son livre Persuasive Technology : Using Computers to Change What We Think and Do, publié en 2003, Fogg pose les fondations de cette discipline. Il dirige depuis 1998 le laboratoire de technologies persuasives de l’université de Stanford, dont nombre d’anciens étudiants ont ensuite intégré ou créé avec succès des entreprises majeures de la Silicon Valley. Kevin Systrom, cofondateur d’Instagram, figure par exemple parmi ses anciens élèves.

Comment déclencher un comportement grâce à la technologie ? Et comment, par la suite, faire en sorte que ce comportement devienne une habitude ? BJ Fogg (qui depuis 2005 préfère utiliser le terme « behavior design » plutôt que « captology » pour désigner son activité) propose un modèle pour répondre à ces questions. Selon Fogg, pour qu’un comportement advienne, trois éléments doivent être simultanément présents : le déclencheur, la capacité et la motivation. Le déclencheur (trigger), c’est par exemple la notification que nous envoie Facebook pour nous indiquer que nous avons été « tagués » sur une photo. C’est le petit rond rouge qui nous informe que nous avons reçu un e-mail. Ce sont toutes ces injonctions qui apparaissent sous forme de boutons « commenter », « partager », « s’inscrire », « se connecter » C’est ce petit signal, ce stimulus qui déclenche notre envie de cliquer, d’aller voir, de répondre, d’agir. Le déclencheur (trigger) ne sera efficace que si la personne est motivée (motivation) et si la tâche est facile à exécuter (ability). C’est donc en agissant sur ces trois éléments que l’on pourra provoquer un comportement, puis créer des habitudes.