Dans quelle mesure les facteurs environnementaux ont-ils une influence sur le bien-être au travail ? Cette question a longtemps été délaissée par les psychologues qui se sont davantage focalisés sur les interactions entre individus et/ou groupes. Or, la recherche en psychologie sociale n’a eu de cesse de montrer que toute interaction sociale est largement médiatisée par l’environnement dans lequel elle s’opère. Depuis une vingtaine d’années, des chercheurs se penchent donc de plus en plus sur l’impact que peuvent avoir les caractéristiques physiques de l’environnement sur le comportement, la satisfaction, la productivité ou encore les interactions des travailleurs.
Les facteurs d’ambiance comme le bruit, la lumière, la température ou la qualité de l’air ont ainsi fait l’objet d’études. On apprend par exemple – sans grande surprise – que la lumière naturelle est associée à un plus haut niveau de confort et de productivité que la lumière artificielle. La proximité et la largeur des fenêtres, la possibilité d’avoir une vue sur l’extérieur, sont autant d’éléments qui vont dans le sens d’une plus grande satisfaction et de meilleures performances (1). Quant au bruit, généralement considéré comme une nuisance, il pourrait, dans certains cas, avoir des effets positifs. « Les bruits ne sont pas toujours indésirables. Un certain niveau de bruit de fond est nécessaire pour assurer le confort des employés et la “sensation du lieu” dans certains environnements. (...) Éliminer tous les sons n’est donc pas toujours la meilleure option », expliquent ainsi Nigel J. Holt, professeur de psychologie expérimentale à l’université d’Aberystwyth, et C. Philip Beaman, maître de conférences en psychologie cognitive à l’université de Reading, et au Royaume-Uni (2). Plusieurs recherches mettent également en évidence une influence positive des éléments qui nous « reconnectent » de manière plus ou moins directe à la nature : la présence de plantes, une fenêtre donnant sur des espaces verts, des meubles en bois, des posters montrant des paysages naturels, sont décrits comme bénéfiques sur le niveau de stress et/ou la productivité (2).
Autant d’exemples qui laissent à penser que les entreprises ont tout intérêt à ne pas négliger les éléments de l’environnement, même si certains d’entre eux peuvent paraître a priori insignifiants.
Contrôler son environnement
Autre facteur clé du confort au travail : la possibilité d’exercer un certain contrôle sur son environnement. Selon une étude de l’université d’Exeter, au Royaume-Uni (3), plus les employés ont la possibilité de personnaliser leur espace de travail, plus ils sont satisfaits, motivés et productifs. « En agissant sur les lieux, l’individu exerce une part de liberté qui est sa capacité de créer de l’autonomie à l’intérieur même des espaces de contrainte », explique Gustave-Nicolas Fischer, professeur de psychologie sociale à l’université de Lorraine, dans Psychologie des espaces de travail (4). Par cette liberté d’expression de soi qui lui est accordée, il se voit reconnu en tant qu’individu singulier au sein de l’organisation et peut définir symboliquement un espace comme son territoire. On comprend alors aisément que le système des bureaux non attribués (dans lequel l’employé n’a pas son propre bureau mais s’installe chaque matin avec ses affaires à l’un des bureaux libres mis à disposition par l’entreprise), apparu il y a une dizaine d’années, ait pu provoquer une insatisfaction chez certains salariés, comme l’expliquent Enric Pol, Enric Net et Ramón Ferrer, professeurs de psychologie sociale à l’université de Barcelone (2) : « Les environnements de travail non territorialisés menacent l’identité au travail parce qu’ils limitent les possibilités et les compétences du salarié à prendre appui sur son poste de travail pour s’affirmer et empêchent que ses caractéristiques distinctives soient visibles dans l’espace, notamment par la présence d’objets personnels. » Au-delà de la personnalisation du bureau, la maîtrise de l’environnement s’exprime aussi par la possibilité d’effectuer des gestes simples comme régler l’intensité de la lumière, ouvrir la fenêtre, maintenir une porte ouverte ou fermée, déplacer certains meubles… Des changements qui semblent anodins mais qui ne sont pas toujours possibles dans les bureaux partagés. Impliquer les salariés dans les décisions en matière d’aménagement de l’espace (choix et disposition des meubles, choix des éléments de décoration, de la couleur des murs…) peut aussi permettre de renforcer leur sentiment de contrôle sur l’environnement.