La dette en dix questions

On connaissait le surendettement des ménages. On n’imaginait pas que les États aussi pouvaient être surendettés ! Mais que représente exactement cette dette ? Est-elle si astronomique qu’on le dit ? Quelles sont les marges de manœuvre ?

I - Qu’est-ce que la dette de l’État ?

La dette d’un État repose sur le même principe que n’importe quel particulier : quand l’on dépense plus que l’on a de recette, il faut emprunter, ce qui est la marque d’un déficit budgétaire. La dette est donc édifiée de strates successives – les emprunts réalisés au cours du temps –, tout comme l’endettement d’une famille est constitué des emprunts (immobilier(s), à la consommation…) qu’elle a contractés et qui ne sont pas encore parvenus à échéance. La dernière année où l’État français a présenté un budget excédentaire date de 1974. Depuis, chaque année, l’État emprunte pour financer ses dépenses excédentaires. La dette n’a globalement cessé d’augmenter depuis une trentaine d’années.

Évidemment, la dette est formée de la somme empruntée (le capital), mais aussi des intérêts dus sur cet emprunt. C’est pourquoi l’appréciation donnée par les agences de notation se révèle si importante : elle donne un signal aux créanciers sur le risque qu’ils prennent à prêter. Quand cette note se dégrade, les prêteurs vont donc réclamer une « prime de risque » qui va accroître le taux d’intérêt demandé, et donc le montant de la dette. À titre d’exemple, le taux accordé à la Grèce sur les marchés a grimpé à 25 % alors que l’Allemagne emprunte à moins de 3 %. 

 

II - À combien s’élève la dette française ?

La dette publique de la France est estimée fin 2011 à un peu plus de 1 700 milliards d’euros, soit environ 26 000 euros par habitant. Elle représente 85 % du PIB (ensemble de la richesse produite en une année sur le territoire national). Cela signifie que si l’État français voulait rembourser en une seule année l’intégralité de sa dette, il lui faudrait prélever plus des trois quarts de la richesse française.

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Cette dette est ce que l’on appelle la dette brute. Elle est imparfaite pour mesurer l’endettement d’un pays, contrairement à la dette nette. Pourquoi ? D’une part, parce qu’elle ne comptabilise pas des engagements financiers pris par l’État, et qu’il faudra bien un jour financer : c’est le cas de la retraite des fonctionnaires par exemple. Ces engagements sont donc une dette potentielle supplémentaire à venir. D’autre part, cette dette a aussi permis à l’État de se constituer un patrimoine, qui représente un actif qui vient contrebalancer le passif (l’endettement financier), tout comme la valeur d’une maison vient contrebalancer le montant de l’emprunt immobilier. Cet actif est constitué d’actifs financiers (comme la participation au capital des entreprises publiques) qui représentent environ 875 milliards d’euros, et d’actifs non financiers (comme les infrastructures routières ou immobilières tels que les bâtiments publics) à hauteur d’environ 1 200 milliards d’euros. Au total, l’État est bien financièrement endetté, mais dispose de richesses financières et non financières supérieures au montant de sa dette.

 

III - De quoi cette dette est-elle composée ?

La dette publique correspond au cumul de l’ensemble des dettes des administrations publiques françaises. Elle est constituée de trois blocs : 1) l’État central, c’est-à-dire les administrations centrales (ministères de l’Éducation nationale, de la Défense, etc.) ; 2) les collectivités territoriales (régions, départements, communes) ; 3) la Sécurité sociale. Il est important de prendre en compte la dette publique et non seulement celle de l’État, sans quoi il serait facile pour lui de transférer certaines dépenses aux collectivités locales pour, par exemple, artificiellement annoncer une diminution de son endettement.

Plus de 85 % de la dette publique française provient des seules administrations centrales, les collectivités locales étant responsables d’environ 10 % de cette dette, et la Sécurité sociale d’un peu moins de 5 %. Cela est lié à l’importance peu comparable de leurs besoins de financement : ainsi, en 2009, les besoins de financement de l’État se sont élevés à 117 milliards d’euros contre « seulement » 5 milliards pour les collectivités locales (qui ne peuvent s’endetter que pour financer des investissements) et 24 milliards pour les administrations de Sécurité sociale.

Quelle que soit son origine, cette dette est actuellement quasiment intégralement financée par emprunt sur les marchés obligataires*. Ces emprunts sont émis par une agence : France Trésor, qui émet des bons du Trésor (pour des emprunts à court et moyen terme) et des obligations assimilables du Trésor (pour des emprunts à long terme).

 

IV - Comment en est-on arrivé là ?

Au cours des années 2000, la dette publique française a doublé et même augmenté de près de 500 milliards d’euros sur les quatre dernières années. Cette évolution est la conséquence de causes structurelles, qui agissent sur le long terme, mais aussi de causes plus conjoncturelles.

Sur la longue période, les dépenses publiques n’ont cessé d’augmenter alors que les recettes, elles, n’évoluaient pas au même rythme, ceci dû à une « croissance molle » ; ainsi, les dépenses publiques, qui représentaient 34 % du PIB en 1960, s’élevaient à près de 55 % en 2011, tandis que les recettes publiques, qui représentaient un peu plus de 30 % du PIB en 1960, n’en représentent « que » 42 % actuellement, soit un différentiel entre dépenses et recettes qui a crû de près de 10 %.