Il fallait bien interroger des anthropologues, des biologistes, des philosophes, des soignants, des botanistes... pour restituer un peu de l'extrême complexité de ce phénomène, la mort, qui atteint les organismes et leurs cellules, les individus et les sociétés, les populations et les espèces. Qu'apprenons-nous au fil de ces entretiens, qui furent dans un premier temps diffusés sur France-Culture ?
Alors que l'étude des pratiques funéraires des hommes de la préhistoire les montre avant tout soucieux de leurs défunts, un rapport à la mort plus individualisé se généralisera dans l'Occident du xive siècle, via la question catholique du salut personnel. De nos jours, malgré les évolutions de notre société urbanisée et morcelée, une pratique comme celle de la Toussaint actualise une dette irréductible à l'égard des morts. Ailleurs, chez les Béninois, les êtres sont destinés à se transformer au cours des différentes étapes de leur vie et doivent y être aidés. De la même manière, des rituels spécifiques initient le défunt à sa vie de mort et plus tard d'ancêtre. Un désordre chez les vivants peut indiquer un accroc dans cette initiation du mort, qu'il faut alors reprendre, le bien-vivre des morts conditionnant le bien-vivre des vivants.
Au cours de l'évolution, la sexualité, source importante de diversification adaptative, a été très vite sélectionnée chez les êtres pluricellulaires, végétaux et animaux. Mais le vieillissement et la mort sont le prix à payer pour cette complexité. A l'exception des cellules sexuelles, seules à rester potentiellement immortelles, la mort est génétiquement programmée au coeur même de chaque cellule. Cependant, les cellules tumorales, en inhibant ces « gènes de mort », tendent à se rendre immortelles. Ce faisant, elles conduisent à une mort prématurée de l'organisme tout entier. Certaines équipes hospitalières ont développé des pratiques d'accompagnement des personnes en fin de vie et sont parfois confrontées aux questions de l'euthanasie et du suicide.
La médecine moderne (réanimation, transplantation d'organes) a produit une redéfinition des critères de la mort et des techniques destinées à l'attester, soumises à des débats contradictoires. Quant à la question « quelle fin pour l'espèce humaine ? », face aux tentations biotechnologiques actuelles d'éliminer tout défaut, n'avons-nous pas à nous porter garants de sa transmission ?