Abracadabra !
Si la recherche d’Hans Eysenck remettant en cause l’efficacité et l’utilité même de la psychothérapie a un tel retentissement dans les années 1950, c’est aussi parce que les recherches se multiplient dans le domaine pharmacologique. Plutôt que perdre son temps avec un thérapeute parfois silencieux et se contentant de « hmm hmm », ou plutôt que des cures de sommeil à base de barbituriques, il pourrait être nettement plus efficace, rapide et avantageux de prendre des petites pilules miraculeuses. D’autant plus que les effets secondaires indésirables n’ont pas encore été isolés…
En 1950, les laboratoires Rhône-Poulenc synthétisent la chlorpromazine (vendue sous le nom de Largactil), un antihistaminique dont le chirurgien Henri Laborit (1914-1995) constate qu’il calme des opérés schizophrènes. En 1952, les psychiatres Jean Delay (1907-1987) et Pierre Deniker (1917-1998) procèdent à des tests de plusieurs semaines sur 38 patients psychiatriques de l’hôpital Sainte-Anne, qui versent dans l’apathie mais restent conscients : l’idée s’impose alors de poursuivre un tel traitement après la disparition des symptômes, à l’extérieur de l’hôpital, en ambulatoire, si besoin dans le privé. La même année, l’iproniazide, un médicament employé contre la tuberculose, semble fonctionner contre la dépression : il sera commercialisé en 1958, mais retiré du marché trois ans plus tard en raison d’effets secondaires massifs sur le foie. En 1955, des tests de l’imipramine contre la schizophrénie donnent des résultats décevants, mais on constate deux ans plus tard que le produit fonctionne contre la dépression. Il sera commercialisé sous le nom de Tofranil, premier des antidépresseurs tricycliques, dont les dommages collatéraux seront notamment une prise de poids et des troubles sexuels.
• Carlos Parada. . PUF, 2016.