La famille nombreuse : un modèle à double tranchant

Dans les médias comme au cinéma, le modèle de la famille nombreuse offre une image idéaliste, marquée par les rires, la spontanéité, les échanges entre enfants. Mais derrière ce tableau séduisant se cache une réalité plus nuancée.

À l’occasion de l’événement Goalkeepers, un gala organisé par Melinda et Bill Gates à New York, Emmanuel Macron met les plats dans le plat. Dans le cadre d’un discours sur le développement de l’Afrique, il déclare : « Présentez-moi la femme qui, lorsqu’elle est parfaitement éduquée, a choisi d’avoir 7, 8 ou 9 enfants. » Aussitôt, les internautes apostrophent le président sur les réseaux sociaux, lui reprochant de stigmatiser les familles nombreuses : « ma mère, diplômée de Sciences Po, a eu 8 enfants simplets comme elle puisque j’ai intégré l’ENS à 18 ans – 8e de France au concours que vous avez raté deux fois ». Si le modèle de la famille nombreuse 1 était autrefois valorisé, il est, aujourd’hui, davantage sujet aux critiques. Voyons ensemble les aspects positifs – et aussi plus mitigés – d’un tel mode de vie.

Une sociabilisation précoce

À cause du manque de disponibilité de leurs parents, les enfants de familles nombreuses gagnent plus rapidement en autonomie (comme s’habiller seul ou mettre la table). Les aînés développent quant à eux une compétence toute particulière pour le soin aux jeunes enfants, notamment pour les filles. Ce rôle de « deuxième maman » peut, dans certaines familles, se révéler très gratifiant et encourageant. De plus, la présence permanente d’autres enfants représente une forme de stimulation sociale appréciée : « J’avais mes copines à l’école avec qui ça se passait très bien, mais je les ai jamais vraiment invitées à la maison (…) J’ai toujours trouvé que la famille suffisait (…). J’étais bien chez moi » 2. Toutefois, détrompez-vous, un nombre important d’enfants n’induit pas nécessairement une entente conviviale au sein de la fratrie. Ce serait trop simple ! Arnaud Régnier-Loillier, docteur en sociologie et chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED), rappelle que la qualité des relations avec ses frères et sœurs dépend « du rang de la fratrie, de l’âge de chacun ou plus généralement de l’environnement familial au sens large – tels que la qualité de la relation entre les parents ou le niveau de vie du ménage, par exemple ».