La fin d'une «maladie»

Vice, tare, trouble, psychose : les diagnostics des médecins ont longtemps fleuri pour qualifier l’homosexualité. Une page (presque) tournée...

Le 9 avril 2015, le président américain Barack Obama s’est opposé officiellement aux thérapies de « conversion » ou de « réparation » destinées aux homosexuels ou transgenres. Sa réaction faisait suite à une pétition réclamant leur interdiction, après le suicide d’une jeune fille ayant suivi une thérapie semblable. Une personne est-elle donc encore considérée comme malade au point qu’il faille la soigner, lorsqu’elle est homosexuelle ? Rarement de nos jours, l’homosexualité ne faisant plus partie des classifications internationales des troubles mentaux depuis les années 1980. Mais l’idée reste ancrée dans certains milieux médico-psychologiques, tandis que psychiatres, psychanalystes et psychologues s’affrontent toujours sur la nature et la cause de cette orientation sexuelle. Retour sur les origines du débat.

Naissance d’une pathologie

Longtemps l’Église a dénoncé la sodomie comme un acte contre-nature, et donc l’homosexualité masculine par la même occasion. « À mesure qu’elle perd du terrain, la médecine légale la supplante au XIXe dans son rôle accusateur en établissant les causes physiologiques des pulsions pédérastiques, sans se préoccuper d’homosexualité féminine, d’ailleurs considérée par la Reine Victoria comme impossible », explique Malick Briki, psychiatre et auteur d’une thèse sur l’homosexualité dans l’histoire psychiatrique et judiciaire 1. « Les médecins de l’époque, comme le légiste Tardieu dans son Étude médico-légale sur les attentats aux mœurs (1857), stigmatisent une certaine forme de visage, de bouche, des fesses soi-disant proéminentes et interpellent les pouvoirs publics sur le caractère subversif de ces pratiques pour la société. » Le premier pas vers la pathologisation est franchi, cautionnant les condamnations judiciaires. Pour lutter contre les pressions pesant sur les homosexuels, le juriste Ulrichs et le journaliste Kertbeny, tous deux allemands, redéfinissent la pédérastie et lancent le terme d’homosexualité en 1868, en soulignant le caractère inné de l’inversion des sentiments pour mieux la dépénaliser. Résultat nul : la pathologisation et la pénalisation sont renforcées. Et à mesure que la médecine psychiatrique se structure, l’approche de l’homosexualité se psychiatrise, avec l’ouvrage Psychopathia Sexualis (1886) du médecin austro-hongrois Richard von Krafft-Ebing, où elle est désignée comme perversion de l’instinct sexuel.