La Fortune du colbertisme. État et industrie dans la France des Lumières

Philippe Minard, Fayard, 1998, 506 p., 160 F.

Pour les tenants de l'ultralibéralisme, le colbertisme est le mal absolu. Ils y voient la source de cette propension de l'Etat à s'ingérer dans les affaires économiques. La France serait-elle donc l'exception qui confirme la règle du laisser-faire ? C'est cette idée largement répandue dont l'auteur se propose de vérifier le bien-fondé à travers une enquête historique comme on aimerait en lire plus souvent. Laissant de côté discours et théories, Philippe Minard transporte le lecteur au coeur du colbertisme, à savoir le corps des inspecteurs des manufactures mis en place en 1669 par Colbert lui-même en vue de réglementer l'activité textile. Le lecteur est ainsi convié à suivre ces fonctionnaires d'avant l'heure dans leur travail quotidien, en train de rédiger un rapport, de bâtir des statistiques pour le compte du pouvoir royal... A l'évidence, ces inspecteurs ne sont pas ces soldats aux ordres d'une bureaucratie tâtillonne que les libéraux du xviiie siècle se sont plus à peindre. Contrôleurs et statisticiens, ils savent aussi être d'utiles conseillers techniques auprès des fabricants. Tous ne sont pas réfractaires aux thèses du libéralisme. De leur côté, les manufacturiers n'ont pas toujours vu d'un mauvais oeil la mise en place de règles du jeu et de procédures de contrôle.