Solène Brun, sociologue, s’attaque à un mythe courant de la société française : celui du métissage sans nuages, à la sauce Benetton. Elle s’interroge sur ce symbole, et le confronte à la réalité vécue par des personnes issues de couples mixtes. Le choix de s’intéresser à des individus entre deux mondes raciaux permet d’explorer en détail la construction des catégories de couleur et la persistance des frontières raciales. Les enfants issus d’une union entre un parent blanc et l’autre non jouent le rôle de révélateur. Solène Brun rapporte des paroles recueillies auprès d’enquêtées, des mères blanches notamment, confrontées au racisme subi par leur conjoint noir puis par leurs enfants. Cette prise de conscience au cœur de l’intimité familiale fait perdre « l’innocence raciale » propre aux personnes blanches qui se perçoivent comme des sujets non racisés dans une société présumée sans discrimination de couleur. Une des mères déclare : « Si je n’avais pas vécu avec mon mari et mes enfants, je n’aurais pas pu découvrir le racisme aussi complètement, aussi profondément. »
Contre l’idée d’une société française aveugle aux différences raciales, et qui en cela s’opposerait à la société américaine, cette enquête montre que les enfants métis n’échappent pas aux jugements liés à leur type physique. En France, le mythe du métis heureux, sourire de miss France aux lèvres comme Sonia Rolland, ou mannequin en vitrine célébré pour sa beauté, peine à masquer la réalité des inégalités vécues et des discriminations subies.