C’est un tour de force que réalise Elsa Dorlin dans cet ouvrage d’histoire et de philosophie des sciences en montrant comment, à partir de l’Age classique, le discours médical a pu fonder à la fois le rapport de domination sexiste, mais aussi racial. S’appuyant sur une abondante littérature médicale et adoptant une démarche foucaldienne, elle montre d’abord comment, de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle, le corps des femmes est le modèle du corps malade. Cette conception pathologique du corps féminin justifie la domination masculine. Les choses changent au XVIIIe siècle avec la mise en place d’une politique nataliste qui va favoriser l’émergence d’une figure féminine incarnant la santé, la mère allaitante et aimante, laquelle renvoie au corps de la nation.
Dans un second temps, l’analyse de la pensée raciale l’amène à montrer comment le discours médical justifiera la domination coloniale. Selon un mécanisme similaire, qu’E. Dorlin nomme « nosopolitique », la médecine coloniale pense le corps des peuples dominés comme foncièrement malade, donc inférieur. On comprend alors le titre de son livre. S’il y a « matrice de la race », c’est dans un double sens : un sens génétique, « la conceptualisation de la différence sexuelle étant le moule théorique de la différence raciale », et un sens plus précis encore parce que « sexe et race ont une même matrice », en l’occurrence, dans le discours médical de l’époque, le concept de tempérament et une certaine classification des pathologies.
Dans un second temps, l’analyse de la pensée raciale l’amène à montrer comment le discours médical justifiera la domination coloniale. Selon un mécanisme similaire, qu’E. Dorlin nomme « nosopolitique », la médecine coloniale pense le corps des peuples dominés comme foncièrement malade, donc inférieur. On comprend alors le titre de son livre. S’il y a « matrice de la race », c’est dans un double sens : un sens génétique, « la conceptualisation de la différence sexuelle étant le moule théorique de la différence raciale », et un sens plus précis encore parce que « sexe et race ont une même matrice », en l’occurrence, dans le discours médical de l’époque, le concept de tempérament et une certaine classification des pathologies.