LA MÉMOIRE ENCHAÎNÉE Questions sur l'esclavage

C'est chose faite depuis le 10 mai 2006 : cinq ans après la loi Taubira qui qualifie la traite des esclaves de « crime contre l'humanité », et cent cinquante ans après son abolition dans les colonies franco-américaines (1848), l'esclavage a sa journée de commémoration.

Ce resurgissement de la mémoire de l'esclavage participe d'un processus qui, depuis une trentaine d'années, secoue les historiens : Shoah, régime de Vichy et collaboration, décolonisation et guerre d'Algérie, méfaits de la colonisation..., le phénomène a déjà été bien analysé : retour du refoulé, revendications identitaires, demande de pardon dans un monde de plus en plus démocratique où chacun a droit à une égale dignité... On en a vu aussi les effets pervers : postures victimaires parfois transformées en « rentes de situation », rancoeurs nourrissant une haine dévastatrice ou stérile... Françoise Vergès analyse minutieusement les différents aspects du problème. D'un côté, elle souligne la nécessité de faire une véritable histoire de ce passé enfoui sous une chape de plomb, par la honte des uns (les anciens esclaves eux-mêmes ont tu ce qu'ils avaient vécu), et par « l'optimisme » des autres, à savoir les historiens plus prompts à présenter la France comme « patrie des droits de l'homme » que comme terre de colons et d'esclavagistes...